🚨️EPR de Flamanville: le démarrage d'un réacteur, tout sauf "un long fleuve tranquille"

Paris, 5 sept 2024 (AFP) - Tout juste démarré, l'EPR de Flamanville tant attendu depuis 12 ans s'est mis en arrêt automatique mercredi, un aléa qui ne surprend guère les experts en énergie tant le processus de mise en route d'un réacteur peut être complexe.

Le réacteur nouvelle génération d'EDF, objet d'un chantier émaillé de déboires, avait franchi un jalon important la veille, avec la réalisation de la première fission nucléaire. Mais plusieurs étapes sont encore prévues avant qu'il puisse vraiment alimenter le réseau en électricité, d'ici Noël selon EDF.

D'ici-là des aléas sont toujours possibles, comme ce faux-départ que vient de connaître l'EPR de la Manche, le 1er installé en France et le 4e dans le monde...

Pourquoi cet arrêt automatique?

Selon les premières analyses d'EDF, toujours "en cours", l'arrêt "pourrait être lié à une mise en configuration inappropriée de l'installation", a indiqué une porte-parole du groupe. Cette dernière "aurait conduit à l'arrêt automatique du réacteur conformément au dispositif prévu à la conception". Pour l'électricien, cela pourrait être lié à "un réglage".

Est-ce anormal ?

Non, selon EDF et les experts joints par l'AFP. "Le démarrage est un processus long et complexe (qui) nécessite de nombreux essais, de tests, et ça peut entraîner des arrêts de ce type", a précisé la porte-parole d'EDF. "Ca prouve que le système de sécurité fonctionne bien", a-t-elle encore indiqué.

Pour Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, "c'est un démarrage de procédé industriel très complexe et c'est donc courant de rencontrer des aléas."

L'expert rappelle qu'il y a eu des précédents, dans le parc électro-nucléaire français et les autres EPR installés à l'étranger. L'EPR finlandais d'Olkiluoto avait par exemple connu "plusieurs déconvenues, notamment avec des pompes hydrauliques qui étaient défectueuses et qui ont dû être remplacées".

"Le démarrage d'un réacteur nucléaire n'est pas un long fleuve tranquille et l'EPR de Flamanville n'y échappe pas (et n'y échappera pas dans les jours/semaines/mois à venir)", a aussi commenté Michaël Mangeon, historien du nucléaire sur X.

Un EPR est-il plus complexe à démarrer ?

Conçu pour offrir une plus grande puissance (1.600 MW) et une sécurité accrue par rapport aux anciennes générations de réacteurs, l'EPR comporte "un nombre de systèmes et de circuits plus nombreux". "Avec un EPR, il y a donc plus de contrôles et d'essais pendant le démarrage que pour un réacteur classique", souligne EDF. "C'est le démarrage d'un premier réacteur" de ce type en France "et c'est une machine complexe", résume l'électricien.

"La particularité qu'il y a avec l'EPR, c'est que le matériel, c'est fois deux", avait déclaré à l'AFP une source syndicale au lendemain de la première réaction nucléaire. "Sur une tranche (réacteur) 1.300 ou 900 (MW), vous avez deux voies de sauvegarde (dispositifs de sécurité et de sûreté), dans l'EPR il y en a quatre".

"Donc, on multiplie par deux la volumétrie de matériel, donc forcément, deux fois plus de chances d'avoir un souci lorsqu'on démarre la tranche", conclut cette source.

Les étapes du démarrage restent toutefois identiques. Au final, pour l'EPR finlandais, "il y a eu 3 mois entre la divergence et le raccordement au réseau, ce qui est standard si on regarde les anciens réacteurs", souligne M. Goldberg.

Thierry Charles, ancien directeur général adjoint de l'IRSN, expert technique de la sûreté nucléaire, rappelle qu'EDF "n'a pas démarré de réacteur depuis 25 ans". L'énergéticien "doit faire les choses en prenant le temps pour vérifier que les systèmes répondent comme attendu, c'est le but d'un démarrage", estime-t-il.

Quelles conséquences pour la production d'électricité?

Pour l'heure, les équipes d'EDF "procèdent aux contrôles techniques et aux analyses nécessaires, suivent les procédures habituelles, puis elles relanceront la divergence du réacteur", a indiqué mercredi soir la porte-parole du groupe.

"A peine démarré, déjà arrêté... l'EPR de Flamanville n'est pas prêt de produire ses premiers électrons", a réagi jeudi Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace.

Au gré de ses retards et difficultés, le chantier de l'EPR est devenu pour les opposants au nucléaire un symbole de l'incapacité du nucléaire, une énergie qui n'émet quasiment pas de CO2, à répondre rapidement à l'urgence climatique.

EDF n'a donné aucun détail sur les conséquences de cet aléa pour le calendrier de la production d'électricité. L'EPR doit atteindre les 25% de puissance pour être connecté au réseau électrique, une échéance prévue "d'ici la fin de l'automne".

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