Houston (États-Unis), 13 mars 2025 (AFP) - En pleine guerre commerciale entre les Etats-Unis et l'Union européenne, un produit stratégique semble épargné: le gaz naturel liquéfié (GNL) américain, qui devrait, à la faveur du détricotage environnemental de Donald Trump, se faire une plus large place dans l'Union européenne.
Présent cette semaine à Houston, au Texas, pour la CERAWeek, grand rassemblement annuel des industriels du pétrole, du gaz et de l'énergie, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, n'a pas caché son intérêt pour le GNL américain.
"On adore les Etats-Unis car vous avez le gaz le moins cher au monde", a déclaré le patron français.
Les acteurs européens de l'industrie gazière semblent voir d'un bon oeil le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, favorable aux énergies fossiles.
Son prédécesseur démocrate Joe Biden avait gelé l'an dernier la délivrance de nouveaux permis pour des exportations de GNL, dans l'attente d'analyses sur leur impact environnemental.
Mais, comme il s'y était engagé au cours de sa campagne présidentielle, Donald Trump est revenu sur une série de politiques climatiques et les vannes devraient se rouvrir.
"Il est peut-être temps de retourner explorer le Golfe d'Amérique", a encore dit à Houston Patrick Pouyanné, employant la nouvelle dénomination décrétée par le président américain pour le Golfe du Mexique.
Les exportations américaines de GNL devraient être multipliées par deux au cours des cinq prochaines années, évalue Matthew Palmer, spécialiste de l'agence S&P Global Commodity Insights.
Et Washington y voit un actif de choix pour rééquilibrer la balance commerciale avec ses partenaires européens traditionnels, dans un contexte pourtant tendu des deux côtés de l'Atlantique.
Dépendance à Trump
L'Union européenne a annoncé mercredi qu'elle allait imposer des droits de douane sur une batterie de produits américains, en représailles à ceux mis en place par les Etats-Unis sur l'acier et l'aluminium. La quasi-totalité du GNL américain, aujourd'hui, n'est pas taxée à l'entrée dans l'UE.
L'alliance transatlantique est également mise à mal par la posture de Donald Trump dans les négociations sur la guerre en Ukraine, mais le GNL pourrait constituer un terrain d'entente.
"C'est un peu devenu un cliché de dire que la relation transatlantique se résume désormais aux transactions, mais dans le secteur de l'énergie, les transactions sont au coeur de tout", estime Laurent Ruseckas, de S&P Global.
Les Européens accordent d'autant plus d'importance au gaz américain qu'ils cherchent à réduire le plus possible leur dépendance à la Russie de Vladimir Poutine depuis son offensive en Ukraine en 2022. Ils ont fermé le robinet des gazoducs russes mais importent beaucoup de GNL russe, qui arrive en premier lieu par les terminaux français.
Présent à Houston, le commissaire européen à l'Energie, Dan Jorgensen, rappelle que l'UE importe désormais seulement 13% de son gaz de Russie, contre 45% en février 2022.
"Nous avons indirectement alimenté l'effort de guerre de Poutine", regrette-t-il, rappelant l'objectif européen de se passer entièrement de gaz russe d'ici deux ans.
"J'espère que nous serons à zéro d'ici 2027", a redit Jovita Neliupsiene, ambassadrice de l'UE auprès des Etats-Unis, également venue à la grand-messe de Houston.
Alors que la question des droits de douane est restée dans l'ombre cette semaine au Texas, des experts se sont interrogés sur les glissements géopolitiques en cours.
L'Europe a compris qu'elle "doit y aller seule", affirme Angela Stent, chercheuse à la Brookings Institution. "Je vois le début d'un changement à long terme où les Européens réalisent que ce qu'ils ont connu ces 80 dernières années est vraiment terminé".
Certains d'entre eux se demandent en privé "pourquoi échanger une dépendance à Vladimir Poutine contre une dépendance à Donald Trump?", relève Chris Treanor, directeur du réseau Partnership to Address Global Emissions (PAGE).