L’ASN : l’Autorité de Sûreté Nucléaire
En mai 2023, le plan de relance du nucléaire civil s’est confirmé. Assemblée Nationale et Sénat se sont accordés sur un texte de loi pour accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires.
Le nucléaire s’inscrit dans la stratégie énergétique nationale, aux côtés des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique. Mais la perspective de six nouveaux EPR2 et la future émergence des petits réacteurs modulaires SMR inquiètent. L’énergie nucléaire fait peur. Tchernobyl et Fukushima restent gravés dans les mémoires.
Pourtant, le nucléaire est l’énergie la plus encadrée et surveillée dans le monde. En France, c’est l’ASN – l’Autorité de Sûreté Nucléaire – qui assure le rôle de gendarme et de régulateur. Autorité administrative indépendante et impartiale, elle contrôle et régule les activités nucléaires civiles et la radioprotection.
Qu’est-ce que la sûreté nucléaire ?
Définition de la sûreté nucléaire
La sûreté nucléaire vise à protéger, en toutes circonstances, la population et l’environnement contre la dispersion de toutes substances radioactives. Elle prévient les accidents nucléaires et en limite les effets.
Pour reprendre la définition de l’ASN, la sûreté nucléaire recouvre « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation » prises en ce sens. Elles portent aussi bien sur « la conception, la construction, le fonctionnement, l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires de base », que sur « le transport des substances radioactives ».
Les enjeux de la sûreté nucléaire
Si les accidents sont rares, leurs conséquences humaines et environnementales sont dramatiques.
L’exposition à des rayonnements ionisants provoque des brûlures, des risques de cancers et de leucémies, des malformations congénitales, des modifications comportementales. Végétaux, sols, air, cours d’eau, animaux et denrées sont contaminés par les rejets radioactifs, avec des conséquences à court terme sur la chaîne alimentaire.
La sûreté nucléaire, une priorité en France
Pays le plus nucléarisé au monde, la France a déployé très tôt un dispositif de sûreté des installations nucléaires.
Dès 1960, la CSIA (commission de sûreté des installations atomiques) est créée. Lui succèdent en 1973 l’ancêtre de l’ASN, le SCSIN (service central de sûreté des installations nucléaires), et l’IPSN (institut de protection et de sûreté nucléaire). L’ASN est constituée en 1991 au sein de la DSIN (direction de la sûreté des installations nucléaires).
C’est au début des années 2000 qu’est mis en place le système de sûreté nucléaire sous sa forme actuelle, organisé autour de deux organisations complémentaires :
- L’ASN : en 2006, l’ASN change de statut pour devenir une autorité administrative indépendante dont la mission est de contrôler, réglementer et informer.
- L’IRSN : organisme public créé en 2002, l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire exerce des missions d’expertise technique et de recherche sur les risques nucléaires et radiologiques.
Quelles sont les missions de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) ?
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a trois missions « historiques » : contrôler, réglementer, informer. Elle intervient aussi dans les situations d’urgence pour conseiller et informer sur l’état de sûreté et les mesures sanitaires, médicales et de sécurité à prendre.
Une référence internationale dans la sûreté nucléaire
Dans l’exercice de ses missions, l’ASN affiche quatre valeurs fortes : la compétence, l’indépendance, la rigueur et la transparence.
Consciente de sa responsabilité sociétale, son ambition est d’assurer en toutes circonstances un « contrôle du nucléaire performant, impartial, légitime et crédible ».
Réglementation et autorisation des installations nucléaires
En France, c’est l’État qui décide des créations et démantèlements de centrales nucléaires, sur avis de l’ASN. Mais c’est l’autorité indépendante qui établit les prescriptions techniques et organisationnelles et les normes de sûreté nucléaire pour garantir la sécurité et la santé publiques, ainsi que la protection de l’environnement. Elle s’assure que la réglementation est proportionnée aux enjeux.
C’est aussi l’ASN qui instruit les demandes d’autorisation individuelles d’exploitation et autorise les mises en service et les prolongations d’exploitation. En cas de risques nucléaires graves et imminents, elle peut suspendre le fonctionnement d’une centrale.
Dernier rôle moins connu : l’ASN réglemente et gère les agréments des transports de matières radioactives.
Contrôle et suivi des activités nucléaires
Avec 329 inspecteurs – représentant 64 % de son personnel -, le contrôle est l’activité principale de l’ASN.
En 2022, 1 868 inspections ont été effectuées, dont plus de 850 dans les centrales nucléaires. Les autres contrôles concernent le transport de matières radioactives, les secteurs médicaux et industriels, la recherche, et la protection des sources de rayonnement ionisants contre les actes de malveillance.
L’ASN assure aussi la surveillance des usines de traitement, de conversion et d’enrichissement de l’uranium exploitées par Orano, ou les activités de gestion des déchets radioactifs du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
De la conception à son démantèlement, en passant par la construction, l’exploitation et la mise à l’arrêt, le contrôle de l’ASN s’exerce à toutes les étapes de la vie de la centrale nucléaire.
Exploités par EDF, les 56 réacteurs de la filière nucléaire française font l’objet d’un réexamen périodique lors de la visite décennale. L’objectif ? Réévaluer les risques présentés par l’installation nucléaire et son impact sur l’environnement, en tenant compte de son état et de l’évolution des connaissances et de la réglementation.
Ces visites peuvent donner lieu à des travaux très importants pour mettre la sécurité de la centrale au niveau des nouvelles exigences réglementaires et techniques.
Cette mission de contrôle est assortie d’un pouvoir d’injonction et de sanction, conférant sa légitimité et son autorité à l’ASN. Elle peut prononcer des sanctions graduées, comme une mise en demeure, des amendes administratives, des astreintes journalières, des saisies, des prélèvements ou encore des consignations.
Communication et information au public
En 2022, l’ASN a apporté 600 réponses aux sollicitations du public et des parties prenantes (médias, associations,...) Elle a également rédigé 81 notes d’information et tenu 11 conférences de presse.
Soucieuse de transmettre une information complète, fiable et accessible, l’autorité met en ligne tous les résultats des inspections. Elle publie aussi chaque année son rapport sur l’état de sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Le dernier en date a été présenté le 25 mai 2023.
Prônant la transparence, l’ASN ouvre la possibilité à chacun de participer à l’élaboration de ses décisions avec impact sur l’environnement via les commissions locales d’information.
Chaque citoyen peut suivre l’actualité de la sûreté nucléaire et consulter les dernières publications sur son site internet.
Les défis de l’Autorité de sûreté nucléaire pour l’avenir
Dans un contexte de crise climatique et énergétique, l’énergie nucléaire revient sur le devant de la scène. Électricité décarbonée, elle est une composante performante du mix énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Toujours anticiper et faire évoluer les normes de sûreté nucléaire
Depuis plus de 30 ans, l’ASN adapte ses normes de sûreté à l’évolution des risques nucléaires. Les dispositions techniques, réglementaires et organisationnelles font l’objet d’améliorations permanentes, en tenant compte des progrès technologiques et des nouveaux risques.
L’expérience de Fukushima en 2011 en est une illustration. L’accident a été un véritable accélérateur pour la sûreté nucléaire. Elle a conduit à la généralisation de solutions d’appoint pour gérer l’alimentation en eau et électricité des centrales, ainsi qu’à la définition d’un « noyau dur » pour prévenir et réduire l’impact d’un accident avec fusion du combustible.
Aujourd’hui, les exigences de sécurité intègrent de nouvelles normes comme le confinement de la radioactivité à l’intérieur de l’enceinte ou des dispositifs de renforcement face aux risques naturels internes et externes.
Adapter les exigences de sûreté nucléaire aux nouveaux risques climatiques
Épisodes de chaleur, phénomènes climatiques extrêmes, température de l’eau et sécheresse sont autant de nouveaux risques qui pèsent et pèseront sur la sûreté et la disponibilité du parc nucléaire français.
Ils ont été pointés par la Cour des comptes dans un rapport publié le 21 mars 2023, insistant sur l’adaptation nécessaire du parc des réacteurs nucléaires au changement climatique.
Les aléas climatiques sont d’ores et déjà intégrés dans les référentiels de l’autorité de sûreté nucléaire, mis à jour lors de chaque procédure de réévaluation. Mais l’évolution climatique appelle à la vigilance et à l’anticipation.
Répondre aux nouveaux enjeux de sûreté nucléaire
La volonté de relancer le nucléaire civil relance les débats sur la sûreté du nucléaire. Des inquiétudes naissent au sujet des SMR, ces petits réacteurs modulaires qui pourraient essaimer en France et dans le monde.
Dans son rapport annuel, l’autorité indépendante rappelle que « l’engouement pour les Small Modular Reactor ne doit pas occulter les questions de sécurité et de sûreté nucléaire qui se posent pour ces réacteurs ». Le projet Nuward, porté par le consortium EDF, Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), TechnicAtome et Naval Group, est sous le feu des projecteurs de l’ASN. D’une puissance de 340 mégawatts, il fait actuellement l’objet d’un examen préliminaire de sûreté.
Assurer la transition de la filière nucléaire française
La prolongation de la durée de vie du parc nucléaire soulève aussi des questions légitimes de sûreté.
En 2021, l’ASN a donné son accord pour prolonger de 40 à 50 ans l’exploitation des réacteurs de 900 MW. Elle évalue aujourd’hui la possibilité de faire de même pour les réacteurs de 1 300 MW. L’objectif ? Assurer la transition pragmatique du parc existant dans l’attente de la construction de nouvelles installations nucléaires.
Au vu de l’âge des réacteurs, les décisions s’accompagnent d’obligations sécuritaires fortes contraignant l’exploitant EDF à « porter la sécurité au niveau proche de celui des réacteurs de troisième génération type EPR. »
Renforcer la transparence et la communication
Le premier EPR de Flamanville n’est pas encore mis en service que l’État a annoncé la construction de six EPR2 et la mise en étude de huit autres réacteurs nucléaires. Un milliard d’euros doivent aussi être débloqués pour un appel à projets SMR.
Ces nouveaux projets renforcent la question de l’acceptation sociale du nucléaire. Si l’ASN réalise déjà un travail dense de communication, elle devra approfondir ses efforts de transparence et de pédagogie pour rassurer sur ces nouvelles solutions nucléaires.
Certes, l’énergie nucléaire dispose de nombreux atouts. Mais dans l’esprit des citoyens, ils s’effacent encore souvent devant ses limites : gestion des déchets radioactifs, importation de l’uranium, coûts d’investissement et d’exploitation.
L’ASN œuvre depuis plus de 30 ans pour garantir un haut niveau de sûreté nucléaire en France. Les résultats sont là. Deux accidents nucléaires de niveau 4 sont à déplorer sur le territoire, en 1969 et en 1980 à la centrale de Saint-Laurent-Les-Eaux.
Depuis, l’Hexagone n’a pas connu de crises majeures et les incidents restent rares. Mais comme l’a souligné l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, « aucun pays ne doit céder à l’autosatisfaction en matière de sûreté nucléaire ». Une responsabilité que l’ASN porte avec rigueur, expertise et indépendance.
N'hésitez pas à consulter notre article sur : Sécurité nucléaire renforcée : rôle de la Force d'Action Rapide du Nucléaire (FARN)