Canicule et sécheresse : Quelles conséquences sur notre production d’électricité ?

il y a 2 mois   •   9 minutes de lecture

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Été 2022. Les habitants des zones urbaines subissent des coupures électriques à répétition. Paris, Marseille, Toulouse, Nice sont touchées. En cause ? La canicule particulièrement intense, avec des températures dépassant les 40°C en France.

Depuis 2010, des vagues de chaleur submergent la France en été. Le Réseau Action Climat en dénombre 2 à 3 en moyenne chaque année. Les périodes de sécheresse s’allongent. Ce réchauffement climatique n’est pas sans impact sur les réseaux électriques et la production d’électricité. Les étés 2022 et 2023 sont riches d’enseignement en la matière.

Pourquoi la canicule et la sécheresse menacent la fourniture d’électricité et augmentent son prix sur le marché ? Quelles sont les stratégies déployées pour améliorer la résilience énergétique du système électrique ? Comment les entreprises peuvent se protéger ?

Faisons le point à l’aube de cet été 2024, annoncé chaud par l’Organisation Météorologique Mondial.

Quel est l’impact de la canicule sur les réseaux électriques ?

Chaque été, lors des vagues de chaleur, des coupures d’électricité sont observées sur le réseau. Si les corps souffrent, les matériels aussi, d’autant qu’ils doivent faire face à une augmentation de la consommation électrique.

Les effets de la chaleur sur les réseaux électriques

Enfouis à quelques dizaines de centimètres sous le sol brûlant, les câbles électriques 20 000 volts souterrains s’échauffent. Sous l’effet des variations de températures brutales entre le jour et la nuit, certains câbles finissent par céder, affaiblis par l’alternance des dilatations et rétractations. Les lignes aériennes sont aussi soumises à ce phénomène, contraignant RTE à réduire le transit d’électricité.

D’autres équipements du réseau électrique peuvent aussi cesser de fonctionner, vaincus par la surchauffe. Les combinés de mesure de l’intensité et de la tension d’un poste électrique sont les plus touchés, en raison des éléments qui les composent. Comme expliqué par Enedis, « la membrane isolante devient poreuse, de l’eau se forme, la porcelaine explose et l’huile fuit ».

Les lignes aériennes sont aussi victimes des feux de forêts, plus violents en période de canicule et de sécheresse. En 2021, la ligne entre Perpignan et Narbonne a dû être mise hors tension, privant plus de 100 000 consommateurs d’électricité.

Sensibilité aux aléas climatiques des principaux éléments des réseaux électriques
Sensibilité aux aléas climatiques des principaux éléments des réseaux électriques - Source : Carbone 4

Une consommation électrique accrue en période de canicule

Autre contrainte qui fragilise le réseau électrique en période de canicule : la forte augmentation de la consommation électrique en été.

En 2022, RTE pointait « l’effet ventilateurs et climatisation ». L’été, cette dernière représente jusqu’à un quart de la consommation électrique d’un logement. À cela s’ajoute l’utilisation accrue des réfrigérateurs et des congélateurs, ainsi que l’éclairage en journée en raison des volets fermés.

En moyenne, un degré au-dessus des normales saisonnières se traduit par une augmentation de la consommation d’environ 250 à 500 MW selon RTE. En 2022, la demande énergétique aurait augmenté de 5 à 10 % par rapport à la consommation estivale moyenne.

Quel est l’impact de la sécheresse sur la production d’électricité ?

Si la production électrique française et les importations ont toujours permis de répondre à la hausse de la demande d’électricité l’été, les années à venir inquiètent avec le réchauffement climatique. Car la production d’électricité souffre aussi de la canicule et de la sécheresse.

Production nucléaire : un problème de refroidissement des centrales

La production nucléaire nécessite de l’eau pour le refroidissement des réacteurs. Celle-ci est prélevée puis rejetée dans les cours d’eau à proximité. Or, en période de sécheresse, les faibles niveaux d’eau doivent être préservés pour garantir un débit minimal et protéger l’environnement et la biodiversité.

Également, des restrictions légales imposent de maintenir la température des fleuves au-dessous d’un niveau maximal. Il est fixé à 26°C pour le Rhône et à 28°C pour la Garonne. Or, l’eau rejetée par les centrales nucléaires réchauffe les cours d’eau. EDF est donc contraint de réduire la puissance de ses centrales, voire de les arrêter, dès que le seuil est dépassé.

Ces deux exigences combinées réduisent la production nucléaire en été. Si, lors des canicules de 2022 et 2023, les centrales du Bugey, de Saint-Alban, du Tricastin, de Blayais et de Golfech ont pu continuer à fonctionner sur dérogation, les faibles débits fluviaux ont imposé l’arrêt de plusieurs réacteurs.

Hydroélectricité : la baisse du niveau d’eau

De par la ressource utilisée, l’hydroélectricité est la première production à souffrir de la sécheresse. En août 2022, la production hydraulique a chuté de 18 % par rapport à la moyenne observée entre 2017 et 2023.

Cette baisse est la conséquence directe de la réduction de 16 % des stocks hydrauliques. Au total, sur l’année 2022 particulièrement chaude et sèche, la production hydroélectrique s’est établie à 46 TWh, soit une diminution de 24 % par rapport à 2021.

Fleuron de l’énergie hydraulique et plus grand lac artificiel de France, le Lac de Serre-Ponçon s’est retrouvé en partie asséché à l’été 2022. Il en est de même pour les lacs de Sainte-Croix et de Castillon. Résultat : un déficit de 40 % de la production d’électricité sur l’axe alpin, contribuant en temps normal à 35 % de la production électrique de la région Provence Alpes Côte d’Azur (PACA).

Quels sont les impacts de la canicule sur les autres sources d’énergie ?

La faiblesse des vents en période anticyclonique réduit la production éolienne. Une étude publiée en 2021 par l’agence ORE (fédération des acteurs français de la distribution d’électricité et de gaz) montre qu’en période estivale, la production éolienne diminue en moyenne d’un tiers.

La baisse de la production s’élève jusqu’à 8GW, soit l’équivalent de huit réacteurs nucléaires. En outre, la production éolienne s’avère particulièrement instable. À l’été 2023, se sont succédé périodes de production élevée à plus de 15 MW et périodes de creux à moins de 1 MW.

Si elle est moins impactée, la production photovoltaïque est aussi touchée par les fortes chaleurs. Au-dessus de 25 °C, les panneaux solaires perdent jusqu’à 0,5 % de rendement par degré supplémentaire. En effet, la hausse de la température des cellules solaires provoque une baisse de la tension, ce qui affaiblit la puissance des panneaux.

Quelles sont les conséquences de la canicule sur les prix de l’électricité ?

La canicule de 2022 a coïncidé avec une hausse historique des prix de l’électricité. Fin août 2022, les prix se négociaient sur le marché à plus de 1 000 euros le MWh contre 85 euros un an plus tôt.

Si, dans un contexte de crise économique et géopolitique, il reste difficile de chiffrer l’influence de la canicule dans l’envolée des prix, elle participe indéniablement à leur volatilité. Trois mécanismes se conjuguent :

  • L’augmentation des coûts de production liée à la baisse de la production nucléaire et hydroélectrique nationale et à la hausse des importations d’électricité. 
  • La tension entre l’offre et la demande d’électricité en Europe. 
  • La hausse de la prime de risque appliquée par les acteurs du marché pour compenser le manque de visibilité sur la production.

Ces fluctuations impactent la stabilité financière des entreprises, dont les trésoreries sont fragilisées par les factures énergétiques.

Comment lutter contre les effets de la sécheresse et de la canicule sur le système électrique ?

Couverts par les importations, les pics de consommation estivaux ne menacent pas encore aujourd’hui la sécurité d’approvisionnement énergétique de la France.

Mais l’augmentation attendue de la fréquence et de l’intensité des vagues de canicule exige d’agir pour adapter le système électrique à un monde plus chaud et maîtriser les prix de l’électricité.

Renforcer la résilience des réseaux électriques

Les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution n’ont pas attendu les dernières vagues de chaleur pour engager l’adaptation des réseaux électriques. La canicule de 2003 a été un élément déclencheur.

Lancé en 2006, le plan « aléas climatiques » d’Enedis vise à remplacer et renforcer les réseaux souterrains et aériens les plus fragiles. 30 000 kilomètres de câbles souterrains isolés au papier imprégné (CPI) doivent être remplacés d’ici 2040. En recherche-développement, le gestionnaire avance aussi sur des solutions de refroidissement des postes sources et des transformateurs.

De son côté, RTE étudie une stratégie d’adaptation accélérée de ses lignes aériennes dans le cadre de son Schéma Décennal de Développement des Réseaux (SDDR). Grâce à des capteurs, le gestionnaire de transport peut d’ores et déjà rediriger le courant vers les lignes très haute tension refroidies par le vent.

Innover pour maintenir la production d’électricité nationale

Dans son discours de mars 2023 sur le plan eau, le Président Emmanuel Macron a tracé les priorités pour préserver les ressources. Premier secteur concerné par cette nécessaire sobriété : la production d’électricité.

En ce qui concerne le parc nucléaire, le Président a annoncé l’engagement d’un vaste plan d’investissements pour remplacer les circuits de refroidissement ouverts par des circuits fermés.

En réduisant la dépendance des centrales nucléaires à l’eau, cette technologie doit garantir le maintien de la production nucléaire en été. 

L’État mise également sur la construction des petits réacteurs modulaires SMR, fonctionnant en circuit fermé. En parallèle, EDF oriente sa recherche-développement sur l’amélioration de la performance des systèmes de refroidissement des centrales, et notamment les tours aéroréfrigérantes.

Côté hydroélectricité, l’État mise sur les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) pour compléter le parc hydraulique français. La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) prévoit l’installation d’une puissance totale de 1,5 GW. Flexibles et réactives, elles participent à la constitution de stocks hydrauliques.

Diversifier et stocker les énergies renouvelables

La poursuite de la diversification de la production est indispensable pour multiplier les sources d’électricité. La production photovoltaïque, le biométhane ou la géothermie sont des solutions de production renouvelables fiables, peu impactées par les fortes températures, la sécheresse et l’absence de vent.

En parallèle, la France progresse sur le stockage de l’énergie pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables et la baisse de production nucléaire et hydroélectrique.

La France s’engage notamment sur l’hydrogène. Présenté comme le « moyen de stockage le plus prometteur » dans le plan de déploiement de l’hydrogène, ce vecteur énergétique est au cœur de plusieurs projets en France.

Lancé en mars 2024 et coordonné par Storengy, le projet FrHyGe vise par exemple à démontrer la faisabilité de stockage, d’injection et de soutirage de 6 000 tonnes d’hydrogène.

Facilement actionnable, la technologie du « vehicle-to-grid » peut venir compléter des solutions plus ambitieuses. Elle consiste à utiliser les véhicules électriques pour stocker l’électricité et la décharger sur le réseau lors des pics de consommation.

Entreprises : comment se protéger de la volatilité des prix en période de canicule ?

La hausse des prix de l’électricité lors des canicules est en partie liée au déséquilibre entre l’offre et la demande. Si les acteurs de l’énergie peuvent agir sur l’offre en augmentant la production électrique, les consommateurs ont les cartes en main pour réduire la demande.

Réduire la consommation électrique

D’après l’ADEME, 5 % de la consommation d’électricité des bâtiments sont liés à la climatisation. L’agence de la transition énergétique préconise son usage raisonné.

Augmenter la température de consigne de 22°C à 27°C divise par deux la consommation électrique des climatiseurs. De même, ne démarrer la climatisation qu’à partir d’une température extérieure de 30°C, et non de 27°C, divise par trois la consommation d’énergie.

D’autres gestes sont simples et accessibles à tous, comme couper la veille des ordinateurs, imprimantes et de tout équipement électrique, ou éteindre les lumières.

Adopter des solutions durables et performantes

Des solutions alternatives écologiques et performantes permettent de réduire l’impact des climatiseurs sur la consommation électrique.

Sous la forme d’un Rafraîchisseur d’Air Évaporatif (RAE), la bio-climatisation offre une solution mobile, compacte et économique pour rafraîchir un bureau. La pose de films solaires sur les fenêtres rejette jusqu’à 80 % de l’énergie solaire.

Sur le principe du cool roofing, des techniques de refroidissement passif, comme les toits réfléchissants ou les peintures thermorégulatrices, réduisent la chaleur absorbée par le bâtiment. 

Bien acheter son électricité

Face à la volatilité des prix de l’énergie, les entreprises doivent adapter leur stratégie d’achat.

Suivre les prix sur le marché de l’électricité aide à gérer le risque. Cabinet de conseil en énergie, SirEnergies propose un accompagnement personnalisé aux entreprises et professionnels pour acheter l’électricité et le gaz au meilleur prix et optimiser les consommations énergétiques. Avec l’application SirEnergies, les entreprises accèdent en temps réel aux données des marchés de l’énergie pour affiner leur stratégie d’achat en fonction du contexte climatique.

 

 

La canicule et la sécheresse impactent la production et la consommation d’électricité. Conséquence : les prix de l’électricité augmentent, sous l’effet de la hausse de la demande et des importations.

Les pics de consommation à 58 GW l’été restent néanmoins inférieurs aux pics hivernaux de plus de 100 GW. La France reste un pays majoritairement exportateur.

Mais si aujourd’hui les gestionnaires des réseaux d’électricité restent confiants sur la sécurité de l’approvisionnement électrique en été, la recrudescence des vagues de chaleur et des périodes de sécheresse pourrait venir bousculer ce fragile équilibre.

Il est urgent de préparer l’avenir pour améliorer la résilience énergétique du système électrique face aux phénomènes climatiques extrêmes. Les entreprises peuvent aussi anticiper en réduisant leurs consommations électriques l’été. 

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