Du 11 au 22 novembre 2024, près de 50 000 participants se réunissent à Bakou en Azerbaïdjan pour négocier l’avenir de notre planète. Depuis 1995, la Conférence des Parties réunit chaque année des représentants des États et de la société civile pour lutter contre le changement climatique. Les niveaux records des températures et les phénomènes météorologiques extrêmes appellent à l’accélération des mesures concrètes.
Principalement axée sur le financement climatique, la COP 29 saura-t-elle relever le défi pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
Si les attentes sont nombreuses et les ambitions élevées, l’absence de certains dirigeants inquiète.
La COP climat en quelques mots
L’idée de créer une COP sur le climat émerge en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio, avec la signature de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
Trois ans plus tard, plus de 120 pays participent à la première Conférence des Parties sur le climat. Chaque année, les COP rassemblent les pays signataires de la convention sur les changements climatiques, mais aussi des représentants de la société civile et du secteur privé (ONG, universitaires, scientifiques, entreprises…). Ensemble, toutes les parties prenantes fixent des objectifs, dressent des bilans et proposent des solutions concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette réunion annuelle marque un temps fort dans le processus de négociation continu pour atteindre les objectifs de la convention-cadre internationale sur le climat.
La COP est accueillie en alternance par chaque groupe régional des Nations Unis (Afrique, Asie-Pacifique, Europe orientale, Amérique Latine et Caraïbes, Europe occidentale et autres États).
La COP de 2024 marquée par des défections
Moitié moins de personnes sont attendues lors de la COP 29 par rapport à la précédente édition. Ces défections font craindre un ralentissement de l’engagement dans la transition énergétique.
Des absences remarquées de dirigeants et de la société civile
80 000 personnes ont participé à la COP 28. Un an plus tard, moins de 50 000 participants sont attendus à Bakou. Les présidents français, américain, chinois et brésilien, ainsi que le chancelier allemand ou la présidente de la Commission européenne, figurent parmi les absents de marque. En marge des négociations, la société civile est aussi moins représentée.
Ces absences ne sont pas nouvelles. Jusqu’en 2015, les COP attiraient à peine 10 000 participants. Pendant de nombreuses années, les négociations se sont déroulées dans l’ombre. L’accord de Paris signé en 2015 fait entrer le changement climatique sur la scène médiatique. Mais la participation aux COP reste inégale. Ainsi, la conférence de Bakou, considérée comme technique et financière, suscite moins d’intérêt que la COP 28 qui dressait le premier bilan de l’accord de Paris. Nombre de dirigeants préfèrent se concentrer sur les affaires internes de leurs pays.
Tensions géopolitiques et inaction climatique
Ces explications dissimulent les véritables causes de ces absences. Le choix de Bakou comme ville hôte réveille les tensions géopolitiques. Les relations sont tendues avec la France proche de l’Arménie, rivale de l’Azerbaïdjan. Le pays est aussi un allié de la Russie, en guerre contre l’Ukraine, soutenue par l’Europe.
Le régime autoritaire azerbaïdjanais inquiète. Sous fond de restrictions de liberté et de violation des droits de l’homme, le contexte jugé dangereux freine la participation de la société civile.
Pays gazier, l’Azerbaïdjan soulève aussi la question des conflits d’intérêt sur les énergies fossiles, à l’image des Émirats arabes unis en 2023. Ce choix met en exergue les désaccords sur les objectifs à atteindre, notamment concernant le gaz qualifié d’« énergie de transition » par le vice-ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères, président de la COP 29.
Dernière raison invoquée pour expliquer le boycott : la « perte de temps ». Avec ces mots, le ministre des Affaires étrangères de Papouasie-Nouvelle Guinée dénonce les discussions stériles des COP et l’inaction des pays grands émetteurs de gaz à effet de serre et des États pétroliers et gaziers.
Les impacts de ces absences sur les négociations climatiques
La défection des dirigeants des principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre fait planer une menace sur les ambitions de la COP 29. Des blocages potentiels dans les négociations et l’absence d’engagements politiques pourraient compromettre la dynamique et ralentir les avancées.
D’autant que cette faiblesse politique risque de ne pas être compensée par l’impulsion de la société civile et des universitaires.
Selon l’institut britannique Chatham House, "sans l'espace et l'impulsion nécessaires aux contributions des universitaires et de la société civile, l'Azerbaïdjan risque d'échouer dans ses efforts de leadership climatique, avec des conséquences tant au niveau national qu'international".
Quels grands sujets sont au cœur des discussions de la COP 29 en Azerbaïdjan ?
Après une COP 28 à tendance politique, la conférence de Bakou est plus technique et financière. Elle n’en est pas moins cruciale dans un monde qui se dirige, selon le secrétaire exécutif de la CNUCC, « vers une augmentation de 2,7°C environ » au cours du siècle. L’objectif de l’accord de Paris vise à limiter la hausse à 1,5°C.
Un nouvel objectif pour le financement climatique
Le principal enjeu de la COP 29 porte sur le financement climatique, « catalyseur essentiel de l’action climatique » selon son Président.
Premier objectif : augmenter l’aide financière apportée par les pays riches - responsables historiques du réchauffement du climat - aux pays les plus pauvres - les plus menacés et les plus dépendants aux énergies fossiles. Fixé depuis 2009 à 100 milliards de dollars par an, le montant de l’aide est aujourd’hui insuffisant pour financer les projets d’atténuation et d’adaptation et faire face aux conséquences du changement climatique (pertes agricoles, sécheresse, catastrophes naturelles, adaptation des infrastructures…). Les besoins sont évalués par le GIEC à 2 400 milliards de dollars par an. La solution pourrait inclure la mobilisation des financements privés et l’engagement des banques multilatérales de développement.
En amont de la réunion, l’Azerbaïdjan a proposé la création d’un Climate Finance Action Fund (CFAF). Abondé par les contributions volontaires des États et des compagnies de pétrole, de gaz et de charbon, ce nouveau fonds permettrait le financement de projets d’énergies renouvelables, d’industrie verte et de décarbonation de l’agriculture.
Les ONG et d’autres pays préfèrent une taxe sur les secteurs les plus polluants (aviation, transport maritime) ou sur les milliardaires.
Les discussions doivent aussi se poursuivre sur le financement du fonds pertes et préjudices, destiné à pallier aux impacts déjà réels et inévitables du réchauffement climatique.
Le renforcement attendu des engagements pour le climat
En 2025, la COP 30 au Brésil marquera les 10 ans de l’accord de Paris. Suite au premier bilan présenté à la COP 28, la négociation de nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN) plus ambitieuses est une priorité de la conférence de Bakou.
Ces plans nationaux climatiques définissent les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de sortie des énergies fossiles, ainsi que les actions concrètes mises en œuvre pour les atteindre.
Présentées début 2025, les nouvelles CDN doivent corriger le manque d’ambition et le manque de concrétisation des stratégies précédentes.
Le renforcement du soutien aux infrastructures résilientes
Face aux conséquences déjà réelles et inévitables du réchauffement climatique, l’adaptation est une priorité urgente de la COP 29. L’objectif est de réduire la vulnérabilité des populations, de l’environnement et de l’économie, et de renforcer la résilience des communautés.
Les négociations se concentrent sur quatre questions : le financement de l’adaptation pour les pays en voie de développement, la garantie d’un accès équitable aux ressources, l’amélioration des mécanismes de partage des connaissances et des technologies et la mise en œuvre de stratégies nationales d’adaptation.
Le Président de la COP 29 a notamment appelé à l’élaboration de plans nationaux d’adaptation (PNA) « ambitieux, exhaustifs et robustes ». En juillet 2024, moins de 40 % des parties prenantes avaient présenté une stratégie d’adaptation. Pour passer de la planification à la mise en œuvre, l’accent doit être mis sur les engagements concrets.
La conférence de Bakou doit aussi définir les modalités de mise en œuvre du programme de travail Émirats-Belém 2025-2026 sur l’identification d’indicateurs fiables et transparents pour suivre et évaluer l’objectif mondial d’adaptation.
L’objectif ? Garantir l’efficacité des actions.
La mise en place concrète du marché mondial du carbone
La COP 29 doit valider les mécanismes du marché mondial du carbone, dont la création est prévue par l’article 6 de l’accord de Paris. Le principe est simple : contraindre les États les plus pollueurs à acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre.
Les fonds générés par le marché doivent servir au financement de projets de transition énergétique, d’adaptation et d’atténuation, notamment dans les pays en développement.
Mais presque 10 ans après la décision de création, l’échec des négociations n’a pas permis la mise en œuvre opérationnelle du marché international du carbone. Les discussions portent sur la comptabilité des crédits, la transparence et les risques de "double comptage" des réductions. Lors de la COP 29, des décisions clés sont attendues pour clarifier ces mécanismes, garantir leur intégrité et assurer une contribution réelle à la réduction des émissions de CO2 dans le monde.
Les freins à la transition énergétique mondiale
Chaque année, les COP révèlent des désaccords de fond et des controverses entre pays. Ces tensions compliquent l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux, sans cependant les compromettre.
Le fossé entre pays développés et pays en développement
Le boycott du ministre des Affaires étrangères de Papouasie-Nouvelle Guinée symbolise le fossé creusé entre les pays développés et les pays en développement en matière de climat. Le manque d’attention qu’il dénonce est partagé par de nombreux pays défavorisés, premières victimes du réchauffement de la planète. Ceux-ci souffrent d’un sentiment d’injustice climatique, accusant les pays développés de ne pas tenir leurs engagements financiers malgré leur responsabilité historique dans la crise climatique.
Ce fossé met en lumière des inégalités profondes entravant parfois la recherche de solutions globales et ambitieuses. Ces points de friction créent des tensions dans les négociations de la COP. Par exemple, pour le marché carbone, les pays en voie de développement craignent que les pays riches achètent massivement des crédits carbone pour ne pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le financement climatique ou le fonds pertes et préjudices continuent aussi à attiser les désaccords.
Les controverses autour des énergies fossiles
Les conférences des parties sur le climat sont marquées par les tensions palpables entre les pays producteurs de pétrole et de gaz et les pays appelant à des mesures plus ambitieuses pour la transition énergétique. Le choix successif d’États pétro-gaziers pour accueillir la COP met en exergue les oppositions.
Ainsi les pays européens, le Royaume-Uni, le Canada et les nations les plus vulnérables au changement climatique plaident pour une sortie rapide des énergies fossiles et la fin de leurs subventions. Les pays producteurs (États-Unis, Arabie Saoudite, Russie...) et les pays dépendant de ces énergies pour leur développement économique (Chine, Inde) rejettent une date de fin contraignante.
Une avancée historique a cependant été applaudie lors de la COP 28 dont l’accord final évoque la sortie progressive des énergies fossiles et rappelle la nécessité de diminuer l’usage du charbon.
La COP 29 se profile comme un moment crucial dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Elle devra répondre à des enjeux majeurs : la mobilisation du financement climatique pour les pays vulnérables, le renforcement des engagements pour le climat et l’implémentation du marché mondial du carbone. Toutefois, l'absence de dirigeants clés ainsi que les tensions géopolitiques soulèvent des inquiétudes quant à l’efficacité des négociations. La COP 29 sera-t-elle une COP pour rien ou aboutira-t-elle à des accords historiques sur le financement ? Gageons que les désaccords laisseront la place aux décisions nécessaires pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris.
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