Quelles sont les différences entre un EPR et un SMR ?

Mardi 21 mars 2023, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France. L’examen du texte se poursuit au Parlement.

Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des orientations énergétiques présentées par le Président Emmanuel Macron le 10 février 2022. Il y a un an, dans son discours de Belfort, le chef de l’État détaillait les trois axes de la politique énergétique nationale : le plan de relance du nucléaire civil, l’accélération des énergies renouvelables et la sobriété énergétique. L’objectif ? Sortir la France des énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050.

Pour relancer le nucléaire, le gouvernement prévoit la construction de six nouveaux EPR2 et l’étude de huit EPR2 additionnels. Un appel à projets d’un milliard d’euros devrait aussi être lancé « pour faire émerger des petits réacteurs modulaires SMR ».

EPR, SMR, que signifient ces acronymes ? Quelles sont les différences et complémentarités entre ces technologies ? Quels sont leurs atouts et leurs limites ? Éclairage.

Qu'est-ce qu’un EPR ?

L’acronyme EPR signifie Evolutionary Pressurized Reactor. Il se traduit par réacteur pressurisé européen. L’EPR est souvent associé à une représentation collective négative en raison des retards de construction de l’EPR de Flamanville ou de l’incident de Taishan en juin 2021. D’un point de vue technique, c’est une technologie puissante qui présente plusieurs avancées par rapport aux réacteurs actuels.

Comment fonctionne un EPR ?

L’EPR appartient à la famille des réacteurs nucléaires de troisième génération. Il fonctionne sur le même principe que les 56 réacteurs qui composent actuellement le parc nucléaire français : la fission nucléaire.

Elle consiste à désintégrer un atome lourd, l’uranium, en plusieurs noyaux légers, provoquant des percussions en chaîne entre atomes. Ces désintégrations provoquent un dégagement de chaleur. Celle-ci est utilisée pour chauffer l’eau et générer de la vapeur. Couplée à un alternateur, la vapeur actionne une turbine et produit de l’électricité.

Source : sfen.org

Trois caractéristiques distinguent l’EPR des réacteurs à eau pressurisée (REP) en service dans les centrales nucléaires actuelles :

  • Un rendement plus élevé : la puissance nette d’un EPR peut monter jusqu’à 1 660 mégawatts, contre 900 à 1 450 mégawatts pour les REP.
  • Une production de déchets radioactifs réduite : l’EPR permet une réduction de 15 à 30 % par kWh des déchets radioactifs grâce à une fission plus complète de l’uranium.
  • Une sécurité renforcée : les EPR sont conçus dans le respect des dernières normes de sécurité nationales et internationales édictées suite à l’accident de la centrale japonaise de Fukushima en 2011 (enveloppe de confinement en béton, systèmes redondants d’injection de sécurité et de réfrigération, suppression des traversées en fond de cuve du réacteur,...)

L’EPR se décline aujourd’hui dans une version dite « optimisée » , l’EPR2. Ce modèle de réacteur a été développé par EDF à partir des retours d’expérience des chantiers de construction EPR en cours. Selon EDF, c’est « le premier réacteur conçu de façon numérisée » et à utiliser la simulation 4D et la visualisation 3D pour détecter les anomalies.


Où se trouvent les EPR en France et dans le monde ?

Aujourd’hui seuls deux EPR sont en activité dans le monde à Taishan, en Chine. En Europe, la mise en service normal de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande est imminente, annoncée pour le printemps 2023. 3 autres EPR sont en construction, un en France à Flamanville et deux au Royaume-Uni, à Hinkley Point.

Le texte de loi en cours de discussion au Parlement doit faciliter la construction de six EPR en France. De type EPR2, les réacteurs seraient implantés, par paire, à Pely en Seine-Maritime, à Gravelines dans le Nord et au Bugey dans l’Ain.

Si le projet législatif doit simplifier les procédures, il ne remet pas en cause la procédure de débat public et l’instruction du dossier d’autorisation par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Source : EDF

Qu'est-ce qu’un SMR ?

En complément des EPR, le plan de relance du nucléaire français prévoit un investissement d’un milliard d’euros dans les SMR, ou Small Modular Reactors. Ce sont de petits réacteurs modulaires, complémentaires aux EPR.

Comment fonctionne un SMR ?

Le SMR est aussi un réacteur nucléaire. Il produit de l’électricité à partir de la fission nucléaire.

Il se différencie de ses grands frères par sa petite taille et sa puissance plus faible. Le rendement des SMR les plus puissants n’atteint pas 20 % de celui d’un EPR. Un SMR peut produire de 10 à 300 mégawatts.

Plusieurs technologies sont aujourd’hui en cours d’étude et de développement. La majorité des prototypes SMR déploient les mêmes technologies que les EPR. Afin de maintenir la réaction en chaîne, les neutrons, à l’origine des collisions entre atomes, sont ralentis grâce à la technique de modération par eau pressurisée ou bouillante. Mais certains projets testent la surgénération.

Encore confidentielle car très coûteuse, la surgénération permet aux réacteurs nucléaires de produire plus de combustible fissile qu’ils n’en consomment. L’objectif est de produire à la fois de l’électricité et du combustible nucléaire pour réduire la production de déchets et l’exploitation d’uranium.

Un SMR offre des services nucléaires à petite échelle. Par exemple, en Finlande, des SMR sont à l’étude pour créer des réseaux de chauffage urbains. Ils pourraient aussi être utilisés pour dessaler l’eau de mer, électrifier des sites isolés ou remplacer des centrales de moyenne puissance fonctionnant à l’énergie fossile.

Où se trouvent les SMR en France et dans le monde ?

70 projets de SMR sont recensés dans le monde par l’Agence internationale de l’énergie atomique.

États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Indonésie, Argentine, Suède, Corée du Sud, Danemark,… : dans le monde, de nombreux pays se sont lancés dans la course au SMR, avec des projets présentant divers degrés de maturité. Mais seuls trois SMR sont aujourd’hui en activité. D’une puissance de 35 mégawatts, deux sont situés en Russie. Le troisième est en Chine et présente une puissance de 200 mégawatts.

La France s’est aussi lancée en 2017 avec le projet Nuward (Nuclear Forward) porté par EDF, le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA), TechnicAtome et Naval Group. Le consortium entend proposer à l’horizon 2035 une offre de centrale SMR de 340 mégawatts composée de deux réacteurs indépendants de 170 mégawatts.

Source : Usine Nouvelle

Quelles sont les différences entre les technologies EPR et SMR ?

L’EPR et le SMR sont des réacteurs nucléaires produisant de l’électricité à partir de la fission nucléaire. L’un ne remplace pas l’autre. Ce sont deux modèles de réacteurs nucléaires de taille et de capacité très différentes. Complémentaires, les technologies EPR et SMR répondent à des besoins en électricité, chacun à leur échelle.

Flexibilité de l'utilisation

Avec une puissance allant jusqu’à 1 660 mégawatts, la technologie EPR permet de répondre à des besoins énergétiques de grande envergure sur un territoire élargi.

Néanmoins, en raison de sa complexité de construction et de ses coûts, l’EPR n’est pas accessible à tous les marchés. C’est là que la technologie SMR entre en jeu. Petits et flexibles, les SMR répondent aux besoins énergétiques de marchés locaux et spécifiques. Ils permettent d’offrir une électricité décarbonée dans des territoires jusqu’alors inaccessibles pour le nucléaire comme des sites isolés, des îles ou des petits réseaux locaux de distribution électrique.

Les SMR sont aussi une solution durable pour remplacer des centrales de moyenne puissance, produisant de l’électricité à partir d’énergies fossiles (centrales à charbon,...). Ils peuvent enfin être utilisés pour des applications spécifiques comme la production d’hydrogène ou la cogénération de chaleur et d’électricité.

Coûts de construction et d'exploitation

Dans le rapport d’évaluation du projet de construction de réacteurs EPR de deuxième génération publié début 2022, le coût de la construction de trois paires d’EPR2 (soit six réacteurs) est estimé aux alentours de 52 milliards d’euros. Par rapport aux EPR de première génération, le coût reste maîtrisé grâce à la standardisation de la fabrication et la modularisation.

En comparaison, les estimations du coût de la construction d’un SMR sont comprises entre 100 millions et 1,5 milliard d’euros en fonction de la taille du projet et de la technologie utilisée. Réacteurs modulaires compacts au design simplifié, les SMR peuvent être assemblés sur site, à partir de plusieurs modules fabriqués en amont en usine.

Cette construction standardisée en série et l’industrialisation des composants et des systèmes réduisent les délais et les coûts de construction. Pour la construction du SMR Nuward, EDF annonce un délai de mise en service 40 mois après la pose de la première pierre.

Niveau de complexité et de sécurité

Les EPR et les SMR garantissent tous des niveaux de sécurité et de fiabilité maximum, aussi bien dans leur conception que dans les procédures strictes de maintenance et de surveillance.

Plus complexe et sensible, la sécurité de l’EPR est assurée par des systèmes sophistiqués, à majorité actifs, nécessitant une alimentation électrique continue. C’est le cas par exemple du système d’injection, composé de pompes et de vannes. En cas d’urgence, celui-ci permet d’injecter de l’eau froide dans le circuit du réacteur afin de maintenir la température du combustible à un niveau sûr.

Les SMR sont de conception moins complexe. Leur sécurité est assurée en grande partie par des systèmes passifs qui utilisent la gravité, la convection et la diffusion pour maintenir le réacteur en sécurité en cas d’urgence, sans besoin d’intervention humaine. Dans le système de refroidissement passif à circulation naturelle, le réacteur est immergé dans un réservoir d’eau. En cas d’urgence, l’eau est automatiquement libérée dans le circuit de refroidissement et descend par gravité jusqu’au cœur du réacteur pour le refroidir.

Quels sont les défis et opportunités pour le développement des technologies EPR et SMR ?

Perspectives d'avenir

Les technologies EPR et SMR offrent une solution durable prometteuse pour produire de l’électricité décarbonée tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les débuts ne sont pas exempts de difficultés. Les deux technologies continuent de faire l’objet de recherche et de développement.

Côté EPR, les premiers chantiers de construction sont synonymes de retards, de surcoûts et d’incidents, mais le premier succès en Chine envoie un signal positif. Avec l’EPR2 qui tire parti de l’expérience de l’EPR, les perspectives sont aujourd’hui encourageantes pour réussir la mise en service en Europe des premiers EPR.

Du côté des SMR, de nombreux pays sont encore en phase d’étude et de prototypage. Mais si la technologie SMR réussit à relever les défis économiques, sécuritaires et réglementaires, cette innovation technologique facilitera l’accès à une énergie bas carbone et flexible sur tous les marchés, même les petits et les éloignés.

Limites technologiques

Malgré leurs atouts, les technologies EPR et SMR présentent des limites.

La principale limite est le coût. La construction, la maintenance et la gestion des EPR engendrent des coûts élevés du fait de leur taille et de leur complexité. Si les SMR sont de petite taille et standardisés, ils n’en sont encore qu’aux premiers développements. Les études et prototypes engendrent des coûts importants qui interrogent sur les futures capacités d’extension.

Deuxième frein au nucléaire : la question de la sûreté nucléaire et de la gestion des déchets nucléaires radioactifs et la problématique de l’acceptation sociale. Le développement du nucléaire doit s’accompagner du développement de solutions de stockage à long terme sûres et sécurisées pour réduire les risques de radiation, de contamination environnementale et de terrorisme.

EPR et SMR sont deux technologies nucléaires complémentaires répondant à des besoins énergétiques différents. L’EPR permet une production d’électricité d’envergure tandis que le SMR rend accessible l’électricité nucléaire décarbonée aux petits marchés de proximité. L’alliance de ces deux technologies offre une solution d’avenir durable pour produire de l’électricité tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Leur succès dépendra de la capacité à surmonter les défis économiques, techniques et sociaux.

Si la fission nucléaire est une solution d’avenir pour la transition énergétique, la fusion nucléaire permettrait d’aller encore plus loin. Cette technique prometteuse produit trois à quatre fois plus d’énergie mais beaucoup moins de déchets radioactifs. C’est en France que 35 pays œuvrent aujourd’hui ensemble dans le cadre du programme international de recherche sur la fusion nucléaire ITER pour démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la production d’énergie à grande échelle à partir de la fusion nucléaire.