« Un deux trois éteignons les lumières » lançait Roger Gicquel aux téléspectateurs du journal de 20h, le jeudi 17 mars 1977, sur TF1. « Qu’est-ce qu’on voit maintenant ? » demande-t-il à Michel Chevalet présent au même instant au centre de dispatching national : « Eh bien, c’est très net » répond ce dernier « le bilan pour toute la France en ce moment (… /…) est presque à 175 milliers de kW (175 MW) d’économie d’électricité »
Par cette expérience menée en temps réel, démonstration était faite aux Français de l’utilité des effacements de consommation sur le système électrique et de l’intérêt d’un système énergétique sobre face à la flambée des prix du pétrole. Chaque téléspectateur présent devant son petit écran ce soir-là a pu se sentir responsable de sa consommation d’énergie.
Pour ceux d’entre vous qui ont éteint des interrupteurs à l’invitation de Roger Gicquel, sachez que vous avez participé à la première expérience d’effacement diffus à grande échelle.
Explication simple de ce qu’est un effacement
Un effacement électrique consiste donc, pour un consommateur, à baisser sa consommation, en éteignant des équipements électriques, par exemple un chauffage électrique ou un chauffe-eau, sur signal envoyé par le dispatching du réseau électrique national.
L’objectif de l’opération étant une diminution ou un arrêt à un instant t de l’électricité soutirée sur le réseau durant un laps de temps défini. En contrepartie de son action, le consommateur reçoit une rémunération ou obtient une diminution de son abonnement, ce qui revient au même.
Une pratique mise en œuvre dès la création d’EDF
L’effacement industriel dès 1950 pour piloter un parc majoritairement hydraulique
L’effacement électrique n’est pas une idée nouvelle. Dès les années 50, EDF passe des contrats avec de grands industriels de la métallurgie afin de les inciter à consommer lorsque les centrales hydrauliques produisent plus que de besoin, et à contrario à réduire la consommation de leur outil industriel, voire à l’arrêter, lors des pics de consommation. À l’époque, les centrales hydrauliques produisaient 50% de l’énergie électrique en France.
L’effacement aujourd’hui pour compenser l’intermittence du vent et du soleil
Aujourd’hui avec le développement des énergies renouvelables, parcs éoliens et centrales photovoltaïques, le système électrique a besoin à nouveau de développer des capacités d’effacement pour faire face à l’intermittence des énergies renouvelables sans faire appel à des centrales thermiques de pointe.
L’enjeu est le développement d’un système énergétique sobre, non pas pour faire face à la flambée des prix du pétrole, mais pour réduire les émissions de CO2 et limiter le changement climatique.
Les tarifs EJP, l’apogée de l’effacement électrique
On distingue essentiellement 2 types d’effacement : les effacements industriels et les effacements diffus.
Les 1er comme indiqué ci-dessus ont vu le jour dans les années 50 pour compenser l’intermittence des centrales hydrauliques majoritaires sur le parc installée, les seconds ont été créés en 1965 avec le tarif Tempo d’EDF qui est un tarif horo-saisonnier de type heures pleines/heures creuses et développés en 1982 avec les tarifs EJP (Effacement Jours de Pointe), une option des tarifs historiques d’EDF.
À noter qu’à leur apogée, les tarifs EJP avaient permis de contractualiser une capacité effaçable de 6 500 MW grâce à de fortes incitations tarifaires depuis lors révolues.
Un besoin d’effacement renouvelé avec la libéralisation des marchés de l’électricité
RTE nouveau pilote de l’équilibrage du système électrique
L’ouverture progressive des marchés de l’énergie à la concurrence à partir de février 1999 et la création du gestionnaire du Réseau de Transport d'Electricité, RTE, ont été menées sous l’impulsion de la Commission Européenne et de sa directive 2003-54-CE.
RTE a hérité des compétences de dispatching et d’équilibrage du réseau, précédemment assuré par EDF, et a donc eu besoin de pouvoir mobiliser des réserves d’énergie pour piloter le système électrique.
Un nouveau marché : le mécanisme d’ajustement
C’est pourquoi le mécanisme d’ajustement a été créé à cette époque pour permettre à RTE d’acheter de l’énergie à des producteurs ou à des gros consommateurs. Grâce à ce dispositif RTE achète au jour le jour au mieux disant les capacités d’énergie nécessaires à l’équilibre production-consommation du réseau.
Avec la fin progressive des tarifs historiques d’EDF et la mise en place de la bourse de l’énergie Powernext en 2001, puis son rachat par EEX en 2008, la valorisation de la production s’est faite essentiellement par la vente d’énergie en MWh.
Le missing money ou comment valoriser les centrales de pointe ?
Est alors apparu le besoin de valoriser les capacités installées de production et non plus seulement de valoriser l’énergie échangée sur les marchés. En effet, avec l’évolution des usages de l’électricité, les pics de consommation d’électricité devenaient de plus en plus importants.
En effet, le 6 février 2012 un record historique est atteint avec 96 291 MW, puis à nouveau le 8 février avec 102 098 MW de puissance soutirée. Pour un parc de production installé de 128 680 MW.
Or dans le même temps l’absence de rémunération explicite (missing money) des capacités installées a conduit à une baisse des investissements dans les centrales de pointe et donc à une augmentation du risque pour la sécurité du réseau.
Le Marché des capacités d’effacement
C’est pourquoi en 2008, la Commission Champsaur a été créée pour proposer des évolutions à ces marchés libéralisés de l’électricité. A cette commission participait Jean Bergougnoux, ancien directeur général d’EDF, qui dans les années 1980 avait eu la responsabilité de créer les tarifs EJP.
C’est ainsi que la Commission a proposé dans son rapport de 2010 la mise en place de nouveaux mécanismes dont la création d’un marché des capacités d’effacement, qui après plus de 5 ans de gestation a vu le jour en 2016.
Les Appels d’Offres Effacement de RTE
Faire face aux pics de consommation
Pour autant en 2012 RTE a fait face à de fortes tensions avec 4 pics de consommation de plus de 96 000 MW. Et en conséquence sans attendre, le marché de capacité, RTE a lancé dès l’hiver 2012 des appels d’offres d’effacement de consommation et de production locale, en Bretagne d’abord, puis national ensuite.
L’objectif pour RTE étant d’accroître les volumes d’offres déposées sur le mécanisme d’ajustement, évoqué précédemment, via des appels d’offres en versant une prime de capacité en €/MW en complément de la rémunération de l’énergie en €/MWh offerte sur le mécanisme d’ajustement.
Les appels d’offres effacement se sont installés dans le paysage énergétique français depuis bientôt 10 ans
Depuis lors, chaque année RTE organise des appels d’offres pour répondre à ses propres besoins d’équilibrage du système électrique, notamment : l’appel d’offres effacement (AOE), l’appel d’offres réserves rapide et complémentaire (RR/RC).
Il est important de préciser ici que le marché des capacités, quant à lui, adresse l’ensemble du marché et pas seulement le besoin de RTE. En effet, tous les acteurs dits obligés, typiquement les fournisseurs, doivent acquérir ou posséder autant de certificats de capacité que l’exige la réglementation au regard de la consommation d’énergie foisonnée de leurs clients.
Un marché en croissance de 300% depuis 2020
L’Appel d’Offres Effacement 2022, dont les résultats ont été publiés le 8 novembre dernier, a permis à RTE de contractualiser 2 403 MW. Un volume en forte hausse par rapport aux années précédentes : 1 509 MW en 2021 et 770 MW en 2020. Cette croissance s’explique par la décroissance du parc de centrales thermiques et par la volonté d’accélérer la transition énergétique.
Comment y participer ?
En conclusion, il est à noter que tous les consommateurs, particuliers, professionnels ou très gros consommateurs, peuvent participer à ces appels d’offres organisés par RTE, même ceux connectés aux réseaux publics de distribution.
Le compteur Linky permet notamment aux consommateurs qui en sont équipés de souscrire chez certains fournisseurs à des offres adaptées aux effacements de consommation. Pour cela, n’hésitez pas à solliciter SirEnergies qui vous accompagnera pour choisir le meilleur opérateur compte-tenu de vos habitudes de consommation.