Entre crise et transition, quelle est la situation énergétique des pays de l’UE ?
Réchauffement climatique, conflit ukrainien, dépendance énergétique, hausse des prix de l’énergie, domination des énergies fossiles : le tableau énergétique de l’Union européenne peut sembler bien sombre.
Mais au milieu de ces nouvelles peu réjouissantes, l’optimisme grandit. En ces temps de crise, la transition énergétique est bel et bien en marche.
Entre disparités européennes, défis énergétiques et politique ambitieuse, Sirenergies dresse le bilan de l’Europe énergétique en 2025.
Un paysage énergétique européen contrasté
Avec ses 27 États membres, l’Union européenne se caractérise par sa diversité économique, sociale, culturelle et géographique. L’énergie ne fait pas exception. Des success stories côtoient des pays à la peine pour progresser dans la transition énergétique.
Le bilan énergétique de l’Europe
Avec 9,1 % de la consommation mondiale, l’Union européenne est le troisième plus gros consommateur d’énergie au monde derrière la Chine et les États-Unis. Ses 449 millions d’habitants ont consommé en 2023 1,3 milliard de tonnes équivalent pétrole.
Les pays les plus peuplés – à savoir la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie – restent les pays les plus gourmands en énergie.
Le mix énergétique européen est toujours dominé par les énergies fossiles, avec à leur tête le pétrole. Mais la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie ne cesse de progresser. Elle est passée de 16 % en 2012 à 23 % en 2022.
Les grandes disparités entre les États de l’Union européenne
L’Union européenne se caractérise par des disparités énergétiques fortes, entre pays grands consommateurs d’énergies fossiles et pays leaders des énergies renouvelables. Ces États se caractérisent par des ressources naturelles abondantes et/ou une politique nationale volontariste en la matière.
Les pays du Nord comptent parmi les champions des énergies vertes. En Norvège, plus de 90 % de l’électricité consommée est issue de la production hydroélectrique. En Suède et en Finlande, plus de 60% de la consommation d’énergie est d’origine renouvelable. Cette part dépasse 40 % au Danemark grâce au développement de la biomasse et de l’éolien. Précurseur dans les années 2000 avec sa loi sur les énergies renouvelables, l’Allemagne demeure un pays moteur. En 2024, elle a établi un nouveau record. 58 % de sa production d’électricité et 55 % de sa consommation finale sont issues des énergies renouvelables.
Les pays du centre et de l’est de l’Europe comme la République tchèque, la Bulgarie, la Grèce, Malte ou la Hongrie peinent à sortir des énergies fossiles. En Pologne, la dépendance au charbon atteint 70 %.
Les défis énergétiques actuels des pays de l’Union européenne
Hausse des prix de l’électricité et du gaz, dépendance aux importations, dépendance aux énergies fossiles : les défis auxquels sont confrontés l’Union européenne sont nombreux, fragilisant sa sécurité énergétique.
La dépendance aux énergies fossiles
L’énergie de l’Union européenne reste à 70 % d’origine fossile. Le pétrole domine (37%), suivi du gaz (21%) et du charbon (12%).
Le pétrole reste l’énergie dominante dans des pays comme l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas, la Grèce, le Luxembourg, Malte ou Chypre. L’Estonie se distingue par sa production d’électricité majoritairement à base de schistes bitumeux.
Le charbon occupe une place encore importante en Pologne, République tchèque, Bulgarie, Slovaquie et Slovénie, mais aussi en Allemagne qui a acté en 2020 la fermeture progressive de ses centrales à charbon.
La part des énergies fossiles et renouvelables dans les mix énergétiques nationaux traduit la transition énergétique encore lente et à deux vitesses des pays européens. Certains États moins développés restent marqués par une vision passéiste de l’énergie, tandis que les États plus favorisés progressent dans leur transition.
La dépendance énergétique à des puissances extérieures à l’UE
La guerre en Ukraine l’a démontré : la dépendance énergétique de l’Europe reste forte. Avec le programme RePowerEU et la diversification des approvisionnements en énergie, les pays se libèrent progressivement de leur dépendance au gaz russe. Mais cette dépendance se déplace vers d’autres régions comme les États-Unis ou le Proche-Orient, fournisseurs de gaz naturel liquéfié (GNL).
Le taux moyen de dépendance aux importations s’établit à 63 % en Europe. La France reste une bonne élève avec un taux de 52 % permis par sa production d’électricité nucléaire. Pays exportateur, la Norvège fait figure d’exception grâce à ses importantes réserves de pétrole et de gaz naturel.
Cette dépendance fait peser des menaces sur la sécurité énergétique de l’Europe, fragilisée par les instabilités géopolitiques en Ukraine et au Proche-Orient.
La hausse des prix de l’énergie
L’Union européenne a été touchée de plein fouet par la flambée des prix de l’électricité et du gaz amorcée par la guerre en Ukraine. Avec une inflation supérieure à 10 %, le choc énergétique a particulièrement frappé les pays d’Europe centrale et de l’Est, dépendants du pétrole, du charbon et du gaz naturel.
Depuis 2022, l’UE se mobilise pour maintenir les prix à des niveaux accessibles pour les consommateurs. Par exemple, elle a mis en place avec succès les achats communs de gaz pour mieux négocier les prix et diversifier l’approvisionnement en gaz. Le mécanisme AggregateEU a d’ores et déjà prouvé son efficacité. 25 entreprises ont déposé des offres lors du premier appel d’offres international pour approvisionner plus de 13,4 milliards de m³ de gaz, dépassant la demande des entreprises européennes.
Côté électricité, l’Union européenne a adopté en 2024 une réforme du marché européen de l’électricité, privilégiant les contrats de long terme. L’objectif ? Stabiliser les prix sur les marchés de gros de l’énergie et garantir une visibilité financière aux consommateurs.
Malgré le frein donné à la hausse des prix de l’énergie, ceux-ci 2024 demeurent un vrai défi pour les pays européens, dont la compétitivité est menacée par des prix plus bas dans le monde, notamment aux États-Unis.
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Une politique européenne déterminée pour répondre aux enjeux énergétiques
L’Union européenne prend à bras le corps la question énergétique et environnementale depuis les années 2010 à travers des objectifs ambitieux, une réglementation renforcée, des investissements conséquents et la solidarité des pays.
Des objectifs climatiques et énergétiques ambitieux
L’Union européenne s’est fixée un objectif ambitieux : faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone en 2050, avec un premier palier à franchir en 2030.
Cette ambition est encadrée par un cadre réglementaire et politique renforcé. Depuis 2019, le Pacte vert pour l’Europe soutient cette ambition, symbole de la politique énergie-climat volontaire et déterminée de l’Union européenne. Renforcés en 2022 dans le cadre du plan RePowerEU et de la directive sur les énergies renouvelables, les objectifs énergie-climat 2030 se déclinent en trois volets :
- Réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990.
- Atteindre 42,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.
- Réduire la consommation finale d’énergie de 11,7 % par rapport aux prévisions 2020.
Ces objectifs et les moyens de les atteindre sont déclinés par les États-membres dans des plans nationaux énergie-climat (PNEC).
Un cadre réglementaire et politique renforcé
En 2023, l’Union européenne a renforcé son cadre réglementaire pour atteindre l’objectif de réduction des gaz à effet de serre. Trois nouveaux mécanismes seront progressivement mis en place entre 2023 et 2027.
La réforme du système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE-UE)
Créé en 2005, le système européen d’échange de quotas d’émission plafonne le niveau des émissions de gaz à effet de serre autorisées dans l’Union européenne.
Adoptée en 2023, la réforme prévoit l’intégration du transport maritime, du transport routier et du bâtiment et la suppression progressive des quotas gratuits. Elle renforce l’objectif de réduction des émissions de GES de 62 % en 2030 dans les secteurs couverts par le SEQE-UE.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Plus communément appelé « taxe carbone », le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévoit la taxation des produits importés depuis l’extérieur de l’Union européenne et dont la production génère des émissions de gaz à effet de serre.
Cette décision vise à rétablir une concurrence plus juste entre les entreprises européennes soumises à des contraintes environnementales coûteuses et les entreprises des pays moins exigeants en la matière.
Le fonds social pour le climat
Alimenté en partie par les recettes du marché carbone européen, le fonds social pour le climat doit permettre de financer des actions d’efficacité énergétique et de mobilité décarbonée, ainsi que le développement des énergies renouvelables.
Des investissements conséquents dans le secteur de l’énergie
L’Union européenne s’engage à travers la Banque européenne d’investissement (BEI), dont les actionnaires sont les États membres. En 2023, près de 110 milliards d’euros ont été investis dans les énergies renouvelables.
Cette politique volontariste de l’Europe et de ses États-membres prouve son efficacité. La part des énergies renouvelables dans la production européenne d’électricité ne cesse d’augmenter. En 2023, elle représentait 44 %. La capacité solaire atteint des records, avec une hausse de 60 % entre 2021 et 2023. L’éolien est devenu la deuxième source d’électricité européenne à la place du gaz.
L’Union européenne finance aussi des projets d’infrastructure d’intérêt commun (PCI). En 2023, elle a investi 360 milliards de dollars dans les réseaux électriques, le stockage de l’énergie, l’électrification des transports, le captage du carbone, le transport maritime et l’industrie verte. L’UE mise sur des technologies innovantes comme l’éolien en mer et l’hydrogène bas-carbone.
Une collaboration renforcée entre les États-membres de l’Union européenne
Suite aux crises, l’Union européenne a développé des mécanismes de solidarité transfrontaliers.
Du côté des infrastructures, l’Europe soutient l’interconnexion des réseaux et la création de corridors énergétiques transeuropéens. Depuis 2020, les gestionnaires des réseaux doivent mettre à disposition au moins 70 % de la capacité de leurs réseaux pour les échanges transfrontaliers. Ce mécanisme permet la réduction des importations hors Union européenne et de rentabiliser la surproduction d’électricité.
L’Europe a également mis en place en 2020 un nouvel instrument financier solidaire : le Fonds pour une transition juste. L’objectif ? Soutenir les pays et territoires durement touchés par les conséquences économiques et sociales de la transition énergétique, suite par exemple à la fermeture d’industries polluantes ou de mines. Ce fonds investit dans des entreprises créatrices d’emplois dans les secteurs des énergies vertes ou de la mobilité décarbonée, ainsi que dans la reconversion des travailleurs.
Quelles perspectives pour l’avenir énergétique de l’Union européenne ?
Ces dernières années, l’Union européenne a pris le virage de la transition énergétique avec détermination. Malgré une transition à deux vitesses, le bilan énergétique est prometteur avec une forte croissance des énergies renouvelables, des investissements déterminés et une solidarité entre pays. Néanmoins, la dépendance aux importations et aux énergies fossiles domine toujours, fragilisant le système énergétique européen. Atteindre la neutralité carbone en Europe en 2050 est-il possible dans ces conditions ? La question reste en suspens dans un contexte bousculé par les crises économiques et géopolitiques. Seuls une volonté de fer, l’action conjuguée de tous les acteurs et un effort partagé et juste pourront transformer ce mirage en réalité.