FARN : dans le monde du nucléaire, cet acronyme signifie Force d’Action Rapide du Nucléaire. Unité d’intervention peu connue du grand public, la FARN veille sur la sûreté nucléaire dans l’ombre.
Composée de 300 personnes, elle peut intervenir en moins de 24 heures sur n’importe quelle centrale nucléaire en France. Zoom sur ce dispositif d’urgence nucléaire unique au monde.
Qu'est-ce que la Force d'Action Rapide du Nucléaire ?
Opérationnelle depuis 2014, la FARN est une unité d’élite de secours intégrée à EDF. Son rôle ? Éviter qu’un accident nucléaire se transforme en catastrophe.
Les origines et missions de la FARN
La FARN est née en 2011 au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Sa création s’inscrit dans la stratégie de renforcement de la sûreté nucléaire déployée par EDF suite au drame japonais.
Sa mission ? « Combattre l’inimaginable » selon les mots d’Henri Proglio, alors P.-D.G. d’EDF.
Concrètement, la FARN peut secourir n’importe quelle centrale nucléaire française en moins de 24 heures, et ce quelles que soient les circonstances de la crise (séisme, inondation, tempête…) et l’état des infrastructures. Ces équipes d’intervention spécialisées sont entraînées à intervenir dans des conditions extrêmes, dans des lieux à haut niveau radioactif, sans ressources ni moyens de communication.
Ces pompiers du nucléaire interviennent en appui au centre de crise local pour une réponse rapide à l’urgence nucléaire. Ils ont pour objectif prioritaire de réalimenter les réacteurs en eau, air comprimé et électricité. Les enjeux ? Maintenir les fonctions de sûreté minimales de la centrale et éviter les rejets dans l’environnement.
Comment s’organise la FARN ?
Le cerveau de la FARN est basé à Saint-Denis, sur le site d’EDF Cap Ampère.
L’état-major national est assisté d’une équipe de reconnaissance et de quatre services d’intervention régionaux. Ces derniers sont installés au plus près des principales centrales nucléaires, à Bugey en Auvergne Rhône-Alpes, à Civaux en Nouvelle-Aquitaine, à Dampierre dans le Centre Val-de-Loire et à Paluel en Normandie.
La FARN dispose de moyens matériels et mobiles conséquents et d’équipements de pointe (camions, 4X4, grues, barges, hélicoptère, drones, robots capables de pénétrer une zone irradiée, groupes électrogènes, compresseurs, pompes, flexibles…) Les matériels sont répartis entre la base nationale dans l’Oise et les quatre bases locales.
Qui sont les « casques rouges » de la FARN ?
Chaque service régional est divisé en quatre équipes, appelées « colonnes », en clin d’œil au GIGN. Chacune est composée de 14 « équipiers ».
En tout, ce sont près de 300 personnes qui veillent sur la sécurité nucléaire de la France. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, il y a toujours 60 équipiers prêts à partir en intervention d’urgence.
Les équipiers sont des volontaires sélectionnés parmi les salariés des centrales nucléaires. Ils exercent à mi-temps au sein de la FARN, en parallèle de leur métier. Formés en continu, ils réalisent chaque année plusieurs exercices d’entraînement de grande ampleur.
Le rôle de la Force d’Action Rapide du Nucléaire dans la gestion des accidents nucléaires
L’énergie nucléaire n’est pas sans risques. C’est pourquoi, dès le déploiement des premières centrales, la France a déployé un dispositif de sûreté nucléaire très encadré. De la prévention des risques à la gestion des crises, de nombreux acteurs privés et publics s’engagent au quotidien pour la sécurité des populations et de l’environnement. La FARN en fait partie.
La prévention et le contrôle des risques
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) assure une étroite surveillance des installations nucléaires.
Les réacteurs font l’objet d’un réexamen complet tous les dix ans. La prolongation de leur exploitation est soumise à des obligations de mise aux dernières normes techniques et sécuritaires.
En complément, plus de 850 contrôles des installations nucléaires, programmés ou inopinés, sont effectués chaque année. Elles sont aussi évaluées régulièrement par les experts de l’AIEA, l’agence internationale de l’énergie atomique.
En cas de risques graves et imminents, l’ASN peut suspendre le fonctionnement d’une centrale nucléaire.
La détection et l’évaluation des incidents
Les incidents et accidents nucléaires sont strictement surveillés. Même minimes, ils doivent être déclarés à l’ASN et classés sur l’échelle INES (International Nuclear Event Scale). L’objectif : analyser chaque incident et en tirer les conséquences afin qu’il ne se reproduise pas.
Plus d’une centaine d’anomalies de niveau 1 sur l’échelle INES sont relevées chaque année en France. Elles sont sans danger pour les populations et l’environnement grâce aux systèmes d’alerte précoces dans les centrales. Ces systèmes de sécurité permettent d’agir vite dès l’anomalie détectée pour éviter les incidents.
En plus de 60 ans, seuls six incidents - de niveau 2 à 4 sur une échelle de 7 -, se sont produits dans les centrales françaises.
La gestion des situations d'urgence
La probabilité d’accidents nucléaires est très faible en France au vu des normes strictes de sécurité et des contrôles. Mais, les acteurs du nucléaire sont organisés pour agir vite en cas d’accident. La gestion de crise s’organise autour de deux plans d’intervention, coordonnés par EDF et les pouvoirs publics.
La FARN intervient dans le cadre du Plan d’Urgence Interne (PUI). Il organise toutes les actions à déployer sur site pour remettre la centrale nucléaire en état de sûreté, limiter les conséquences de l’accident, assurer la sécurité des travailleurs et secourir les blessés. Il est sous la responsabilité du directeur de la centrale nucléaire, sous la surveillance de l’ASN.
Les pouvoirs publics sont responsables du Plan Particulier d’Intervention (PPI). Le Préfet du département coordonne toutes les mesures externes de protection de l’environnement et des populations, pour réduire les impacts de l’énergie nucléaire (mise à l’abri des populations, distribution de comprimés d’iode, évacuation...)
Comment intervient la FARN ?
La FARN n’est encore jamais intervenue en situation réelle. Néanmoins, elle s’exerce régulièrement selon un protocole d’intervention très encadré.
Quatre colonnes sont mobilisées en parallèle, soit une soixantaine d’équipiers, pour une réponse rapide aux situations d’urgence :
• Dans les 8 heures, l’équipe de reconnaissance intervient pour évaluer la situation, en parallèle, la base arrière se positionne pour diriger les opérations d’urgence.
• Dans les 12 heures, les quatre colonnes se déploient et se mettent en action progressivement, équipe par équipe.
• Dans les 24 heures, toutes les unités sont opérationnelles.
Les équipes d’intervention spécialisées sont autonomes. Elles peuvent déployer des moyens lourds sur une durée de 3 à 4 jours pour gérer la crise et garantir la sécurité minimale de la centrale. Elles prennent également en charge la gestion des rejets radioactifs éventuels pour assurer la protection de l’environnement et des populations.
La FARN est une unité d’élite opérationnelle. Elle n’a jamais eu l’occasion de se déployer en conditions réelles depuis sa création il y a presque dix ans. L’objectif d’EDF est... qu’elle n’intervienne jamais. Tout est mis en œuvre au niveau de la sûreté des centrales nucléaires pour ne pas avoir besoin de mobiliser ces pompiers de dernier recours dont l’intervention serait synonyme d’accident nucléaire.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter notre article : Prolongation de la durée de vie du parc nucléaire : enjeux stratégiques et économiques