Faire de la France le leader de l’hydrogène décarboné : telle est l’ambition du gouvernement annoncée dès 2020 avec le lancement de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarbonée.
Elle a été réaffirmée en 2022 dans le cadre du plan d’investissement France 2030. 9,1 milliards d’euros d’aides publiques ont été approuvés et dix premiers projets retenus pour créer une filière hydrogène en France.
Mais, pourquoi la France mise-t-elle sur l’hydrogène ? Qu’est-ce que l’hydrogène et quels sont ses usages ? Est-ce une voie prometteuse vers un avenir durable ?
Quels sont les défis à relever pour que l’hydrogène s’affirme comme une énergie du futur ? SirEnergies fait le point.
Qu’est-ce que l’hydrogène ?
L’hydrogène n’est pas une source d’énergie. C’est un vecteur d’énergie, au même titre que l’électricité, produit à partir de ressources naturelles.
C’est quoi l’hydrogène ?
L’hydrogène est un élément chimique, très abondant dans l’univers. Sans lui, le Soleil et les étoiles n’existeraient pas. C’est leur principal composant.
En revanche, sur la Terre, il est très peu présent à l’état naturel, hormis quelques gisements sous-marins inexploitables. Des indices d’hydrogène blanc pur auraient cependant été trouvés dans plusieurs points du monde, dont la France. Leur potentiel d’exploitation reste à prouver.
Où se trouve l’hydrogène ?
L’hydrogène entre dans la composition de nombreux éléments chimiques. Il est présent dans l’eau. Celle-ci est composée de deux atomes d’hydrogène pour un atome d’oxygène, d’où la célèbre formule H2O. On le retrouve également dans le méthane, combinaison de quatre atomes d’hydrogène et d’un atome de carbone (CH4) ou dans les hydrocarbures (HC).
L’hydrogène représente aussi près de 10 % du corps humain. Plus globalement, tous les organismes vivants animaux et végétaux sont constitués en partie d’hydrogène, faisant de la biomasse une source d’hydrogène potentielle inépuisable.
Comment produit-on l’hydrogène ?
L’hydrogène est extrait de l’eau, des hydrocarbures ou de la biomasse par des procédés chimiques visant à séparer les atomes d’hydrogène des autres atomes.
Très polluante, la production de l’hydrogène est son talon d’Achille. 96 % de l’hydrogène est issu de ressources fossiles, principalement du gaz (48 %), du pétrole (30 %) et du charbon (18 %).
De plus, les techniques de production comme le vaporeformage du gaz naturel ou la gazéification du charbon émettent des quantités importantes de CO2. On estime qu’en moyenne 1 kg d’hydrogène produit libère entre 10 à 15 kg de CO2. C’est pourquoi on le surnomme « hydrogène gris ».
Moins polluante, l’électrolyse consiste à extraire l’hydrogène de l’eau en séparant les atomes d’hydrogène et d’oxygène. L’inconvénient : elle nécessite beaucoup d’électricité, le plus souvent issue d’énergies fossiles…
Comment est stocké l’hydrogène ?
L’hydrogène est un gaz très volatil et hautement inflammable. Si son stockage est aujourd’hui bien maîtrisé, le zéro risque n’existe pas.
Le stockage sous forme gazeuse est le plus prisé. Mais, la faible densité énergétique de l’hydrogène exige le recours à des hautes pressions pour réduire les volumes de stockage. À 700 bars, la compression est optimale. Cela pose plusieurs inconvénients : l’usage de matériaux robustes et durables, un contrôle strict des réservoirs et un refroidissement de l’hydrogène pour éviter la surchauffe.
Stocker l’hydrogène sous forme liquide à très basse pression est la solution idéale pour réduire les volumes. Ce procédé exige cependant des températures inférieures à -253 °C et la moindre fuite est synonyme d’explosion. C’est pourquoi il est réservé à des usages très spécifiques comme la propulsion spatiale.
Une innovation pourrait bien offrir l’alternative parfaite : le stockage par hydrure. Cela consiste à stocker l’hydrogène dans un matériau solide comme le magnésium. En France, les recherches sont portées par deux équipes, finalistes du Prix de l’inventeur européen 2023.
Comment se transporte l’hydrogène ?
L’hydrogène est relativement facile à transporter. Il se transporte sous forme comprimée via des pipelines. Si la Chine est pionnière dans le domaine, un projet de pipeline européen d’hydrogène reliant l’Espagne et l’Allemagne en passant par la France devrait aboutir en 2030.
La solution de transport privilégiée reste aujourd’hui le transport maritime ou routier, via des remorques à tube d’hydrogène comprimé.
Quels sont les usages de l’hydrogène aujourd’hui ?
Découvert au 19ᵉ siècle, l’hydrogène a vu ses usages se multiplier ces dernières années. Puissant, inépuisable et non toxique, il offre un large panel de possibilités, allant de l’industrie à la mobilité, en passant par le stockage de l’électricité.
Les usages de l’hydrogène dans l’industrie
L’industrie reste le principal consommateur des 900 000 tonnes annuelles d’hydrogène produites en France. Elles servent notamment à la production d’ammoniac, de méthanol ou d’engrais azotés, à la fabrication d’acier et de ciment ou encore au raffinage des produits pétroliers, carburants et biocarburants.
L’empreinte carbone de ces usages est très élevée. D’une part, l’hydrogène gris exploité est très carboné, d’autre part, des quantités élevées de gaz à effet de serre sont émises par ces procédés industriels.
Décarboner l’industrie est une priorité pour la transition énergétique. Elle repose sur deux leviers : l’hydrogène vert et le processus de captage du CO2.
Les usages de l’hydrogène dans la mobilité
Absence d’émissions de CO2 et de particules fines, puissance trois fois supérieure à l’essence, temps de recharge réduits : l’hydrogène est souvent présenté comme une solution d’avenir pour une mobilité propre. Pourtant, la voiture à hydrogène peine à trouver sa place sur le marché, face au véhicule électrique. Son caractère hautement inflammable et la pile à combustible complexifient la fabrication des véhicules.
En revanche, l’hydrogène est une solution adaptée aux transports lourds, les plus émetteurs de CO2 et difficiles à décarboner. Il répond à leurs besoins de forte puissance et/ou d’autonomie. En France, l’alimentation en hydrogène est encouragée pour les poids lourds et les trains régionaux. La SNCF annonce les premiers TER hydrogènes dans les gares en 2025.
Dans le secteur aérien, les technologies ne sont pas matures. Pourtant, les idées ne manquent pas entre la fabrication de carburants de synthèse à partir d’hydrogène, les moteurs à propulsion hydrogène ou les moteurs électriques alimentés par de l’électricité issue d’hydrogène.
Mais, la filière aérienne reste frileuse. Les volumes de stockage nécessaires pour l’hydrogène interrogent. L’aviation de tourisme pourrait ouvrir la voie. Un premier prototype français doté d’une pile à combustible hydrogène est annoncé pour 2026.
Le secteur maritime a une longueur d’avance sur l’aviation. Les premiers bateaux naviguant au e-méthanol (produit à partir d’hydrogène et de CO2), ou à l’e-ammoniac (mélange d’hydrogène et d’azote), devraient prendre la mer d'ici à 2025. Le premier navire à hydrogène autonome Energy Observer poursuit quant à lui ses observations.
Les usages de l’hydrogène dans le stockage de l’électricité
S’il est un domaine où l’hydrogène apparaît comme une solution d’avenir incontournable, c’est celui du stockage de l’électricité. Il offre une réponse pertinente à l’intermittence des énergies renouvelables et au problème de stockage de l’électricité.
Le principe ? Stocker les surplus de production d’électricité renouvelable sous forme d’hydrogène via électrolyse.
Lors des pics de consommation, l’hydrogène peut être réinjecté dans les réseaux publics sous deux formes : soit sous forme d’électricité après transformation via une pile à combustible, soit directement sous forme d’hydrogène dans le réseau de gaz.
L'hydrogène : une voie prometteuse vers un avenir énergétique durable ?
L’hydrogène, l’énergie du futur ? C’est ce qu’affirment de nombreux experts. En France, il est clairement désigné comme un axe prioritaire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Seule ombre au tableau : le bilan carbone de sa production qui réduit son intérêt environnemental.
Une priorité : décarboner la production d’hydrogène
Pour offrir une voie prometteuse vers un avenir énergétique durable, la production de l’hydrogène doit impérativement être décarbonée.
Tous les espoirs se portent sur l’électrolyse à partir d’électricité bas-carbone d’origine renouvelable ou nucléaire.
D’après l’ADEME, grâce au nucléaire, l’électrolyse de l’eau émet quatre fois moins de CO2 que le vaporeformage du gaz naturel. Mais, ses coûts de production sont trois à six fois plus élevés. Réduire ces coûts est une des clés pour industrialiser l’électrolyse bas-carbone.
La méthanisation ou la gazéification hydrothermale sont aussi présentées comme des solutions de production d’hydrogène bas-carbone. Le principe : générer un gaz de synthèse composé de monoxyde de carbone et d’hydrogène à partir de déchets fermentescibles. Le bilan carbone est considéré comme neutre, car la biomasse émet à l’état naturel le même taux de dioxyde de carbone que celui généré par ces procédés de transformation.
Si l'on créait de l’hydrogène à partir de microalgues ? C’est l’idée poursuivie par plusieurs équipes de chercheurs dans le monde. Elle s’inspire de la photosynthèse. L’idée : utiliser le soleil pour séparer l’oxygène et l’hydrogène de l’eau.
Vers une Europe à hydrogène bas-carbone ?
Si la France se veut pionnière dans l’hydrogène décarboné, c’est toute l’Europe qui s’engage.
Un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) est aujourd’hui engagé pour soutenir la recherche, le développement et le premier déploiement industriel de technologies liées à l’hydrogène décarboné.
Dix projets sur les 41 sélectionnés sont français. L’ambition : déployer jusqu’à 6,5 GW de capacité d’électrolyse pour produire chaque année plus de 600 000 tonnes d’hydrogène bas-carbone. Concrètement, cela doit se traduire par la construction en France de quatre gigafactories d’électrolyseurs, de réservoirs à hydrogène, de piles à combustion pour la mobilité durable, de trains à hydrogène et des matériaux nécessaires à la production de ces équipements.
L’hydrogène est une énergie d’avenir. Déjà en 2019, l’Agence Internationale de l’Énergie l’affirmait. Cinq ans plus tard, l’énorme potentiel de l’hydrogène est prouvé. Il sera sans nul doute une composante essentielle de la transition énergétique et du mix énergétique de demain.
Mais si le chemin s’est éclairé grâce aux progrès technologiques, il reste semé d’embûches. Le principal défi à relever ? Réussir à décarboner sa production à coûts réduits.
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