Peu connu du grand public, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire occupe depuis quelques mois le devant de la scène avec le projet du gouvernement de fusionner l’IRSN et l’ASN. Rejetée par le Parlement et largement critiquée, l’idée a été relancée lors du dernier Conseil de politique nucléaire du 19 juillet 2023. Un projet de loi est attendu à l’automne.
Établissement public à caractère industriel et commercial, l’IRSN constitue, avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et la Force d’Action Rapide Nucléaire (FARN), le trio de la sécurité et de la sûreté nucléaire en France. À l’origine de sa création en 2022 ? La volonté de séparer les missions d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques et d’autorité de contrôle.
Partez à la découverte de cet institut où règnent l’excellence et l’expertise scientifique.
Qu’est-ce que la radioprotection nucléaire ?
La radioprotection nucléaire vise à empêcher ou réduire les risques sanitaires et environnementaux liés aux rayons ionisants. Elle s’est développée progressivement depuis la découverte de la radioactivité en 1896.
Qu'est-ce qu'un rayon ionisant ?
Les rayonnements sont des émissions d’énergie ou faisceaux de particules. Ils sont dits « ionisants » quand ils sont suffisamment puissants pour transformer les atomes traversés en ions. Ces rayonnements ont des effets sur l’organisme en fonction de leur type et de la dose perçue.
Plus de 60 % des rayonnements ionisants sont d’origine naturelle, émis par l’eau, le sol ou l’air. Les dispositifs médicaux, comme la radiographie et la radiothérapie, sont responsables de la majorité des rayons ionisants artificiels. Les installations nucléaires arrivent loin derrière.
Les trois grands principes de la radioprotection nucléaire
La radioprotection nucléaire repose sur trois principes inscrits dans le code de la santé publique :
• Optimiser les expositions en isolant la source des rayonnements ionisants (écran, enceinte de confinement, sas…) et en assurant la sécurité des travailleurs exposés (vêtements de protection, réduction des temps d’exposition…) ;
• Autoriser, sur justification, les activités émettrices de rayons ionisants en mettant en regard les avantages et les risques, et privilégier les techniques les moins émettrices de rayonnements ;
• Limiter les expositions par la réglementation : la dose maximale pour le grand public est limitée à 1 millisievert par an. Elle monte à 20 mSv/an pour un travailleur exposé. Il n’existe pas de limite pour les patients, la priorité étant donnée à l’efficacité du traitement médical.
Quelles sont les missions de l’IRSN ?
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est le pôle d’expertise scientifique sur les risques nucléaires et radiologiques en France. Son rôle ? Surveiller, étudier et analyser pour réduire les impacts sanitaires et environnementaux des rayonnements ionisants artificiels liés à l’activité nucléaire, industriel ou médical.
Surveillance des installations nucléaires
L’IRSN effectue des analyses de sûreté des installations nucléaires, de leur conception à leur démantèlement. Il s’assure que les dispositifs de sûreté et de radioprotection mis en place respectent la réglementation nucléaire et garantissent la sécurité des travailleurs, de la population et de l’environnement.
Le spectre des installations contrôlées par l’IRSN couvre la chaîne de valeur du nucléaire : réacteurs nucléaires, laboratoires de recherche, transport des matières radioactives, centres de retraitement, de stockage et de gestion des déchets radioactifs, usines de conversion, d’enrichissement et de fabrication du combustible nucléaire, accélérateurs de particules, etc.
En parallèle, l’IRSN effectue des recherches ciblées pour renforcer ses capacités d’expertise scientifique et de sûreté. Ses experts analysent en profondeur des questions comme la fusion du cœur, l’incendie en milieu confiné, les impacts du vieillissement des matériaux, etc. Les résultats sont publiés dans des avis aux autorités et des rapports d’expertise.
Surveillance environnementale
L’IRSN surveille l’état radiologique de l’environnement en France. Il publie chaque année un bilan annuel, complété d’études radiologiques ciblées sur des sites industriels et nucléaires. Il réalise également des diagnostics radiologiques dans le cadre de doutes sur d’éventuelles pollutions radiologiques.
Ses études sur l’impact environnemental des rayonnements ionisants artificiels portent aussi bien sur l’atmosphère, que la géosphère, les milieux aquatiques, l’alimentation et toutes les espèces humaines et non-humaines.
Surveillance des effets des rayonnements sur l’homme
L’IRSN conduit des actions de recherche, de surveillance et d’expertise pour garantir la protection des populations et des travailleurs exposés contre les effets des rayonnements ionisants.
Dans le domaine médial, l’institut émet des rapports, avis et guides pour accompagner les professionnels dans leurs pratiques et adapter les dispositifs de protection à l’évolution des technologies. Il propose aussi des formations en radioprotection aux industriels, collectivités territoriales et établissements de santé.
Appui technique à la sécurité nucléaire
L’IRSN apporte son appui technique dans de nombreux domaines relevant de la sécurité nucléaire.
Il intervient par exemple en expert pour l’examen des dossiers des exploitants soumis aux autorités de contrôle. Il apporte un conseil technique aux exercices annuels de sécurité nucléaire. Il participe à de nombreuses études dans le domaine de la sécurité (cybersécurité, effet des armes et des explosifs, capacités de résistance des équipements de protection physique...)
Méthodes d’analyse et recherche et développement
Pour effectuer ses missions de recherche et d’analyse, l’IRSN s’appuie sur des outils innovants et la recherche-développement.
La modélisation et la simulation au service de la sûreté nucléaire
La simulation et la modélisation sont des méthodes fondamentales pour l’IRSN. À partir de modèles, la simulation aide à représenter une réalité complexe, expliquer des phénomènes ou anticiper des situations extrêmes, en sûreté nucléaire comme en radioprotection.
À l’aide de logiciels de calculs, les experts brassent les données pour comprendre, prévoir, concevoir et maîtriser. Le simulateur Sofia sert par exemple à simuler des incidents et accidents nucléaires de toutes ampleurs.
Ces tests permettent d’évaluer les rejets radioactifs et leurs conséquences sur l’homme et l’environnement. Les résultats sont précieux pour renforcer les systèmes de protection et limiter les risques des rayonnements ionisants.
Recherche et développement à l'IRSN
La recherche et développement permet d’approfondir les connaissances et l’expertise de l’IRSN en matière de nucléaire et de radioprotection. Elle s’inscrit dans de grands programmes pluriannuels, lancés dans le cadre de coopérations internationales. 70 projets internationaux sont en cours et 11 projets coordonnés par l’IRSN.
L’institut participe à des programmes techniques comme CABRI sur l’accident d’injection de réactivité, CONCRETE sur la maîtrise du vieillissement du béton ou encore MIRE sur la limitation des rejets radioactifs lors d’un accident de fusion du cœur du réacteur.
Côté santé et environnement, le projet BEERAD vise à comprendre les effets des rayonnements ionisants sur les abeilles, tandis que le projet HARMONIC s’attache à analyser les effets à long terme sur les enfants de l’exposition médicale aux rayonnements ionisants.
Quels sont les défis d’avenir de l’IRSN ?
Engagé dans la sûreté nucléaire et la radioprotection, l’IRSN est au centre de défis de sécurité et de santé majeurs.
Assurer la sûreté nucléaire dans un contexte de menace
Le contexte de menace durable et élevée constitue un véritable enjeu pour les acteurs engagés dans la sécurité nucléaire et la radioprotection. Au regard d’actes potentiels de malveillance, l’IRSN agit sur deux axes.
D’une part, l’institut contribue, par son expertise scientifique et son appui technique, au renforcement de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires et du transport en France.
D’autre part, il oriente ses recherches pour toujours mieux protéger les populations et l’environnement des effets des rayonnements ionisants. Le projet PRIODAC travaille ainsi à déterminer les meilleures modalités d’administration répétées d’iode stable en cas de radioactivité.
Le projet RESCUE vise à proposer une nouvelle approche thérapeutique pour les victimes d’une irradiation à forte dose.
Prévenir les effets sur la santé des faibles doses médicales répétitives
Entre 2005 et 2015, les chiffres ont démontré l’augmentation de la dose moyenne totale de rayonnements ionisants reçus par la population. En cause : la hausse de plus de 90 % des expositions médicales grâce à l’essor du radiodiagnostic et de la radiothérapie.
Quelles peuvent être les conséquences à long terme d’expositions à faibles doses, mais répétées aux rayonnements ionisants pour les patients et le personnel ? Telle est la question qui sous-tend des travaux pluridisciplinaires menés par l’institut.
Le défi : trouver le meilleur compromis entre soins du patient et risques sur la santé des rayonnements ionisants.
Parmi les recherches en cours, le programme ENVIRHOM étudie depuis de nombreuses années l’impact des faibles doses répétitives sur les organismes à travers des expérimentations sur des rats. L’étude EPI-CT évalue les risques à long terme pour les enfants et adolescents exposés aux rayonnements ionisants lors d’examens et scanners.
L’IRSN est l’expert français de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Deux principes ont présidé à la création de l’institut : l’indépendance des recherches et des expertises et la transparence et l’information au public sur les risques nucléaires et radiologiques. À court terme, son plus grand défi pourrait être celui de sa fusion potentielle avec l’ASN.
Pour aller plus loin, n’hésite pas à consulter notre article sur la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire : enjeux stratégiques et économiques.