« Drill, baby, drill ». Ce slogan (traduit par « Fore, chéri, Fore » en français), Donald Trump l’a martelé haut et fort pendant toute sa campagne présidentielle. Il l’a réaffirmé dans son discours d’investiture du 20 janvier.
Symbole de réussite américaine, l’or noir reprend sa place dans la politique énergétique des États-Unis, au mépris des risques environnementaux. Face à l’urgence climatique, Donald Trump répond « urgence énergétique ». S’oriente-t-on vers un retour massif aux énergies fossiles ? Doit-on s'attendre à une hausse record des émissions de gaz à effet de serre américaines ? Quelles seront les conséquences de ce tournant énergétique ?
L’analyse de Sirenergies, entre scénario catastrophe et lumières d’espoir.
Quelle orientation énergétique de l’administration Trump ?
26 décrets présidentiels. C’est le record de décrets signés par un président des États-Unis le jour de son investiture. Quatre d’entre eux dessinent les contours de la nouvelle politique énergétique américaine. Par ses décisions, Donald Trump détricote une à une les mailles de la stratégie pro-climat de son prédécesseur Joe Biden.
Le retour en force des énergies fossiles
Les premières mesures de Donald Trump affirment avec force sa position pro énergies fossiles. Dans une vision simpliste du secteur, il considère la pénurie d’énergies fossiles comme responsable de l’envolée des prix de l’énergie. Selon son administration, relancer la production s’impose comme l’unique solution pour défendre l’indépendance énergétique du pays et réduire l’inflation.
Les premiers décrets du président américain vont en ce sens. Ils encouragent le développement du pétrole et du gaz sur tout le territoire américain, parcs nationaux inclus. Ignorant les réglementations environnementales, la loi sur les espèces protégées et la concertation publique, l’État américain entend simplifier et accélérer les procédures au nom de « l’urgence énergétique ».
Avec ses sous-sols terrestres et maritimes riches en pétrole et gaz, l’Alaska, « butin de richesses naturelles », est particulièrement menacé. Remettant en cause la protection de l’environnement et les droits des communautés autochtones, Donald Trump est déjà revenu sur l’interdiction de nouveaux projets pétro-gaziers en Arctique. Il a notamment annulé le moratoire de l’exploitation de la zone protégée du Refuge faunique national.
Le gaz naturel liquéfié (GNL) est également plébiscité par Donald Trump. Le président vient notamment d’accorder une autorisation d’exportation conditionnelle pour un projet de GNL en Louisiane. Cette décision pourrait relancer la construction de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel, arrêtée par Joe Biden en raison des émissions potentiellement catastrophiques pour le réchauffement climatique.
Le recul des énergies renouvelables et la dérégulation
Pendant sa campagne électorale, Donald Trump a annoncé la fin du « Green New Deal », un programme d’investissements en faveur de la transition énergétique lancé par son prédécesseur Joe Biden. Donald Trump entend notamment réduire – voire suspendre - les incitations financières prévues par la loi sur la réduction de l’inflation (IRA).
La mobilité électrique est le premier secteur touché, avec l’annonce de la fin des aides à l’achat de véhicules électriques. Au nom de la « liberté de choisir », Donald Trump a aussi révoqué le décret contraignant l’industrie américaine à produire 50 % de véhicules électriques d’ici 2030.
Autre mode de production dans la ligne de mire de Donald Trump : l’énergie éolienne. Le premier jour de son mandat, il signait un décret stoppant les activités éoliennes en mer, accusées de « rendre les baleines folles ». L’éolien terrestre reste encore préservé de cette hostilité, de nombreux projets échappant à l’obligation d’autorisation fédérale.
De son côté, l’énergie solaire semble ignorée par le président américain. Elle est néanmoins absente de la liste des sources d’énergie dont la mobilisation est jugée urgente. L’incertitude sur son avenir demeure. Elle pourrait subir les coupes budgétaires portées à la loi IRA.
Le retrait de l’accord de Paris
La sortie de l’accord de Paris a été la première mesure du président Donald Trump en matière de climat. Dès son investiture, le Président a signé le décret signifiant le retrait des États-Unis. Confirmé par notification à l’ONU, il sera effectif dans un an, le 27 janvier 2026.
Si cette décision n’est pas une surprise, elle porte un coup dur à la lutte internationale contre le réchauffement du climat.
Quelles sont les conséquences des nouvelles orientations de la politique énergétique américaine ?
Les nouvelles orientations énergétiques des États-Unis soulèvent de nombreuses incertitudes. Une seule conclusion est d’ores et déjà certaine : défendre les énergies fossiles ne peut qu’avoir un impact environnemental et climatique dramatique.
Un impact environnemental catastrophique ?
Déjà deuxième émetteur mondial de CO2 derrière la Chine, les choix énergétiques de Donald Trump pourraient faire monter le pays sur la première marche du podium. Ils confirmeraient aussi sa place de premier pollueur historique dans le monde.
D’après une étude du site d’expertise Carbone Brief, ce sont pas moins 4 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires qui seraient ajoutés aux émissions de gaz à effet de serre des États-Unis d’ici 2030, soit l’équivalent des émissions annuelles cumulées de l’Europe et du Japon.
Ces 4 milliards de tonnes de CO2 annuleraient deux fois les économies réalisées dans le monde ces cinq dernières années grâce au déploiement de l’éolien, du solaire et des autres technologies propres.
Conséquences économiques : vers l’emploi et la richesse ?
Il est difficile de prédire les conséquences économiques de la nouvelle politique énergétique des États-Unis.
Côté prix, l’ambition de Donald Trump est de favoriser une baisse des coûts de l’énergie. Mais ceux-ci ne représentent que 6,5 % de l’indice des prix aux États-Unis. De plus, cette volonté d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs pourrait être rapidement contrecarrée par la hausse des droits de douane.
Les conséquences sur l’emploi sont aussi difficiles à mesurer. Les nouveaux projets fossiles seront inévitablement créateurs d’emplois industriels locaux. Mais ces créations pourront-elles équilibrer les destructions d’emplois si les énergies renouvelables ralentissent ? En 2023, le secteur de l’énergie propre a généré 142 000 nouveaux postes aux États-Unis, soit une croissance de 4,2 %, supérieure au rythme de création de l’ensemble du marché de l’emploi.
Dans une vision plus macro, Donald Trump entend, grâce à sa stratégie pro énergies fossiles, redevenir une nation industrielle riche, rêvant des grandes heures de gloire du pétrole.
Nous ferons baisser les prix, remplirons à nouveau nos réserves stratégiques jusqu’à ras bord et exporterons l’énergie américaine dans le monde entier. Nous redeviendrons une nation riche, et c’est cet or liquide sous nos pieds qui nous aidera à y parvenir.
- Donald Trump
Par ce discours, le président des États-Unis révèle une vision passéiste et réductrice du secteur de l’énergie. Alors que certaines entreprises atteignent déjà des niveaux records d’extraction, inonder et saturer le marché de pétrole et de gaz pourrait au contraire provoquer un effondrement du marché mondial et entraîner l’inévitable faillite des compagnies américaines.
Une déstabilisation internationale ?
À l’aube de son dixième anniversaire, le retrait des États-Unis pourrait affaiblir l’accord de Paris sur le climat. Les experts craignent que le désengagement américain entraîne le retrait d’autres pays par effet domino.
D’autres observateurs s’inquiètent d’un attentisme grandissant, les pays se contentant du "strict minimum". Par l’intermédiaire du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Guo Jiakun, la Chine a exprimé son inquiétude : « Le changement climatique est un défi commun auquel est confrontée toute l'humanité, et aucun pays ne peut rester insensible ou résoudre le problème tout seul »
La suppression de l’aide des États-Unis devrait aussi ébranler le financement de la transition internationale. La fin du Plan américain pour la finance climatique internationale, lancé par Joe Biden en 2021, serait synonyme d’une perte de plus de 10 milliards de dollars par an.
Certains experts dénoncent un « acte de vandalisme climatique » (dixit le réseau mondial C40 de 100 grandes villes engagées face à la crise climatique) ou un « non-sens scientifique et climatique » (dixit Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France).
Mais les réactions au retrait américain restent dans l’ensemble mesurées et optimistes, défendant la force de la solidarité internationale, à l’image de Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et architecte clé de l’Accord de Paris : « Le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris est regrettable, mais l’action climatique multilatérale s’est avérée résiliente et plus forte que les politiques et les mesures prises par n’importe quel pays individuellement ».
Un autre scénario possible pour le futur énergétique américain ?
Certains experts apportent de la nuance à ce tableau environnemental bien assombri par les annonces de Donald Trump. Pour eux, les pires scénarios restent peu probables. La transition énergétique est en marche et Donald Trump ne pourra pas stopper net ce mouvement.
De potentiels freins au retour des énergies fossiles ?
Pour certains observateurs, le pragmatisme économique peut s’imposer face aux déclarations tonitruantes de Donald Trump, et contrebalancer sa stratégie pro énergies fossiles. Les énergies renouvelables ne manquent pas d’atouts, soutenues par un large consensus local dépassant les clivages politiques nationaux.
Leur premier avantage ? Un coût compétitif et stable qui séduit les entreprises et les États fédérés. Deuxième argument en leur faveur ? Leur développement crée de nombreux emplois industriels de proximité sur le territoire américain. C’est aussi une source de revenus fiscaux locaux.
Enfin, à l’image du Texas devenu le premier état américain producteur d’énergie éolienne et solaire, il est peu probable que les industries et États fédérés fassent machine arrière au vu des sommes déjà investies dans la transition énergétique et le verdissement des activités.
Le message adressé par l’Alliance climatique, coalition bipartite de 24 gouverneurs représentant près de 60 % de l’économie américaine et 55 % de la population rassure en ce sens : « Nos États et territoires continuent de disposer d'une large autorité en vertu de la Constitution pour protéger nos progrès et faire progresser les solutions climatiques dont nous avons besoin. Cela ne bouge pas malgré un changement dans l'administration fédérale ».
Une demande d’électricité croissante favorable au mix énergétique ?
Pour les analystes les plus optimistes, les États-Unis ne peuvent se passer des énergies renouvelables dans leur mix énergétique.
Malgré les annonces de Donald Trump, l’électrification des usages a commencé. Et les énergies fossiles ne pourront pas répondre aux besoins croissants en électricité de l’intelligence artificielle et des centres de données. Dans ce contexte, les énergies renouvelables s’imposent comme une solution compétitive, stable et sûre. Elles sont d’ailleurs défendues au niveau des États fédérés, 38 d’entre eux exigeant de la part des fournisseurs une part de renouvelable dans leur mix énergétique pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.
Certaines énergies décarbonées soutenues par Donald Trump ?
L’éolien et le solaire sont exclus du décret de Donald Trump appelant à la mobilisation urgente de certains modes de production d’énergie. En revanche, des énergies renouvelables et bas-carbone figurent dans la liste, notamment l’hydroélectricité, le nucléaire ou la biomasse. Le président américain ne tire donc pas un trait noir et définitif sur toutes les énergies décarbonées.
Lors de son mandat précédent, Donald Trump a notamment montré une opinion plutôt favorable au nucléaire, en soutenant la recherche et le développement des petits réacteurs de nouvelle génération (SMR). Le secteur nucléaire affiche son optimisme après sa réélection, bénéficiant du soutien bipartisan du Congrès, et malgré des incertitudes budgétaires liées à la remise en cause de la loi IRA.
Pour conclure...
Climato-sceptique ? Le terme reste un euphémisme pour définir la politique énergétique de Donald Trump, tant elle est marquée par l’idéologie fossile et le négationnisme climatique.
La stratégie est tournée vers les intérêts économiques de court terme, au détriment de l’environnement, du climat et des populations. Les premières mesures du président américain soulèvent inquiétudes et menaces. Mais cet emballement en faveur des énergies fossiles pourrait être freiné par l’engagement et le pragmatisme des États fédérés, des entreprises et des populations.
Si le monde entier regarde les États-Unis, chaque décision prise façonne le futur de notre planète. La résilience des énergies renouvelables et la prise de conscience collective pourraient être la clé pour contrer la nouvelle trajectoire américaine. L'avenir reste entre nos mains.
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