Les problématiques environnementales actuelles nous imposent de rechercher de nouvelles sources d'énergie durables, performantes et peu polluantes afin de faire de la transition écologique une réalité. Dans cette quête, certaines poudres métalliques intéressent de plus en plus les spécialistes en raison de leur forte densité énergétique et de leurs propriétés physico-chimiques remarquables. En particulier, la poudre de fer est un vecteur d'énergie prometteur.
L'exemple le plus célèbre datant d'octobre 2020 est celui de la mise en place réussie d'un système de génération de vapeur à base de poudre de fer par des chercheurs de l'Université technique d'Eindhoven dans une brasserie néerlandaise. La poudre de fer est-elle l'énergie du futur ? SirEnergies vous aide à répondre à cette interrogation.
La poudre de fer, un vecteur d'énergie aux multiples potentialités
« La poudre de fer dispose de la même densité énergétique que les dérivés du pétrole, mais au détail important près qu’elle n’émet pas de CO2 lors de sa combustion » indique Driss LARAQUI, co-fondateur de la start-up française Fenix Energy qui développe des systèmes de production d’énergie à partir de fer.
Il ajoute également que « le fer une fois brûlé, et son énergie récupérée pour chauffer des bâtiments ou produire de l’électricité, il est possible de capturer facilement la rouille produite à faible coût pour la recycler à l’aide d’énergies renouvelables vers le fer initial ».
Ce combustible circulaire rencontre un grand succès aujourd'hui en raison de sa capacité à produire de la chaleur en grande quantité et sa capacité à être recyclée en boucle à l’aide d’énergie solaire ou éolienne. L'énergie thermique est par exemple indispensable pour chauffer un logement, pour les centrales thermoélectriques, les systèmes de propulsion de certains bateaux, ou encore pour faire tourner un moteur de voiture.
Si l'on doit se passer des énergies fossiles pour les applications industrielles diverses, les sources d’énergies propres auxquelles l'on pense en premier lieu sont l'électricité verte issue des énergies renouvelables (ou du nucléaire) ou de l'hydrogène vert.
En effet, les énergies renouvelables sont intermittentes (dépendent de l’ensoleillement pour le solaire ou des saisons pour l’éolien), il faut donc des solutions de stockage pour lisser la production d’électricité issue d’EnR. La production d’hydrogène dans les phases d’excédent de renouvelable, pour sa combustion ultérieure ou son utilisation dans les piles à combustibles est une solution envisagée sérieusement.
Néanmoins, l'hydrogène possède une densité énergétique très faible à pression atmosphérique (32 kWh pour 10 000 Litres !), et sa nature hautement explosive combinée à sa facilité pour fuir des réservoirs augmente les risques de sécurité pour les travailleurs en cas de mauvaise manipulation et rend très complexe son stockage longue durée et son transport longue distance.
C’est à ce problème qu’est proposé et développé actuellement le stockage et le transport d’énergie par la poudre de fer. Produire 5 Litres de fer en poudre permet de stocker autant d’énergie que les 10 000 Litres d’hydrogène !
La poudre de fer présente l'avantage de dégager par simple combustion beaucoup de chaleur, d'être stable, sûre et très facile à manipuler. Cette ressource est également produite abondamment, 2 Giga tonnes par an de fer dans l’industrie de l’acier ce qui favorise un usage à grande échelle. Il reste à souligner que pour que cette poudre de fer devienne « verte » il faut la recycler en boucle à l’aide d’énergies renouvelables.
Grâce au développement des moteurs à combustion externe (pour certaines automobiles avec des carburants « exotiques ») fonctionnant avec un brûleur spécialisé, les grains de fer pourraient constituer une alternative peu coûteuse pour faire cesser l'utilisation de l'essence et du diesel dans les groupes électrogènes et les moteurs de voiture par exemple.
Tout comme le charbon, la poudre de fer pourra également contribuer à la production d’électricité dans les centrales thermoélectriques.
La poudre de fer, une source d’énergie verte facilement stockable et transportable
Un vecteur d'énergie qui n'est pas facilement stockable et transportable ne saurait prétendre être une énergie verte utilisée à grande échelle.
« Le stockage sur une longue durée du fer coûte 15 fois moins cher que le stockage d’hydrogène sous 350 bars, et son transport sur 3 000 km (d’une zone de renouvelable peu cher vers une zone de consommation) coûte 3 fois moins cher que l’hydrogène liquide » indique le docteur ingénieur en combustibles métalliques Driss Laraqui.
Ce qui permet d’envisager une importation d’énergie verte sous forme de fer depuis des zones abondantes en énergies solaires (comme le Maroc) à un coût compétitif avec le gaz naturel pour des applications de chauffage par exemple (en restant très bas carbone).
La poudre de fer pour le stockage d'énergie
Quand il s'agit du stockage d'énergie, ce vecteur se comporte réellement comme une batterie. On décharge la batterie en brûlant ce fer qui libère de l’énergie (sous forme de chaleur) et on recharge le combustible en faisant la réaction inverse à l’aide d’énergies renouvelables.
Cycle de charge et de décharge du fer pour la production d’énergie décarbonée et le stockage d’énergies renouvelables.
Un excellent combustible
Dans son état initial, la poudre de fer peut être considérée comme une batterie chargée. Elle dispose d'une densité d'énergie équivalant à peu près à 6 kWh/L (sous forme de poudre, le fer est 3 fois moins dense qu’en lingot), ce qui est 2 000 fois supérieur à celle de l'hydrogène à pression atmosphérique qui est pourtant un très bon combustible.
Pour que tout se passe bien, il faut disposer de grains ferreux très fins. Ces derniers se prêtent mieux à la réaction de combustion quand ils sont en contact avec l'oxygène.
En oxydant le fer, on obtient de la rouille en plus de la chaleur dégagée. La rouille obtenue fait alors office de batterie déchargée. On remarque ici qu'il n'y a pas d'émission de CO2, le gaz à effet de serre caractéristique issu de la combustion d'hydrocarbures.
Contrairement aux combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole ou le gaz naturel, l'utilisation de la poudre de fer est associée à une empreinte carbone zéro. Cela ne s'arrête pas là, ce vecteur d'énergie prometteur est recyclable un très grand nombre de fois.
La poudre de fer, une ressource circulaire
Comme évoqué précédemment, la rouille issue de la combustion peut être recyclée pour produire à nouveau de la poudre de fer. C'est en quelque sorte comme si vous aviez rechargé votre batterie qui est encore prête à être utilisée. « Recycler 99% du fer brûlé à chaque cycle permettrait de réutiliser le même carburant 100 fois avant de l’épuiser ! » souligne Driss Laraqui.
Il suffit de retirer l'oxygène qui s'est associé aux atomes de fer en utilisant soit de l'électricité (électrolyse) ou de l'hydrogène à haute température. L’hydrogène serait donc un intermédiaire pour produire le fer vert mais on évite comme cela son transport et son stockage complexe et coûteux.
Bien évidemment, les procédés de désoxydation de la rouille sont complexes dans la pratique et nécessitent des investissements techniques conséquents pour une réussite totale de l'opération. Cela représente néanmoins beaucoup moins d’investissements que la réalisation de pipelines ou de réservoirs à hydrogène liquide ou gazeux (et moins de risques).
Le jeu en vaut grandement la chandelle. En étant recyclable et non polluante, cette source d’énergie verte remplit bien les critères pour être une énergie du futur.
Le secteur de l'énergie métallique intéresse de grands investisseurs
Vous connaissez sans doute Bill Gates et Jeff Bezos, deux hommes d'affaires prestigieux faisant partie des plus grosses fortunes mondiales. Ils ont récemment décidé d'investir des fonds dans une start-up du nom de Form Energy.
L'entreprise développe des solutions innovantes centrées autour des batteries à base de fer qu'elle considère comme les vecteurs énergétiques par excellence de demain. On connaît l'aptitude qu'ont ces illustres hommes d'affaires à se positionner en premier sur des marchés à potentiel de croissance très élevé. On peut donc en conclure que les solutions énergétiques à base de métaux seront très plébiscitées dans le futur.
Form Energy développe actuellement des prototypes de batteries stationnaires fer-air dans le but de stocker des énergies renouvelables. Après le plomb et le lithium, la batterie fer-air devrait constituer la grande révolution sur le marché du stockage d'énergie à des fins industrielles. Il s'agit d'une solution low cost (dix fois moins cher que les batteries lithium-ion actuelles) devant permettre le stockage d'énergie durant 150 heures, ce qui est une prouesse remarquable dans le domaine.
Cette batterie révolutionnaire fait intervenir des billes de fer qui s'oxydent lors de la décharge. Lors de la charge, la rouille obtenue est transformée en fer. Le processus apparaît simple, mais reste très performant.
Les batteries fer-air de la société américaine sont principalement destinées aux centrales éoliennes et solaires qui souhaitent emmagasiner durablement les surproductions d'énergie. La grande taille des modules empêche d'ailleurs l'utilisation de la technologie par des petites industries.
Néanmoins, les solutions de combustion de fer, à différencier des batteries stationnaires de Form Energy, permettent de produire de la chaleur à haute température et facilitent les échanges d’énergies vertes à l’échelle globale, c’est l’axe stratégique choisi par Fenix Energy, une start-up lyonnaise.
La poudre de fer constitue assurément un vecteur énergétique très prometteur. Chaufferies, Industries chimiques, Bateaux, voitures, les centrales thermiques, les groupes électrogènes… Tous les grands systèmes industriels fonctionnant actuellement à base de combustibles fossiles pourraient devenir plus verts grâce à cette remarquable ressource circulaire.
Tous les critères (recyclable, non polluant, stable, non toxique, énergétiquement dense…) semblent réunis pour faire d'elle une énergie du futur. En ne se limitant pas uniquement à la poudre de fer, mais en prenant en compte toutes les poudres métalliques, il faudra toutefois intensifier les recherches scientifiques pour une meilleure connaissance de cette source d'énergie. Elle pourra alors jouer pleinement son rôle au côté des autres sources d'énergie (renouvelables ou non) pour la satisfaction de nos besoins énergétiques divers.