La valorisation énergétique des déchets : une solution d’avenir ?
Avec 345 millions de tonnes en 2022, les déchets sont un véritable fardeau pour la France ! Longtemps, on a cherché à les faire disparaître en les enfouissant ou en les brûlant.
Mais si ces matières premières inutiles pouvaient devenir une ressource précieuse ? Transformer un problème en une solution durable est l’objectif de la valorisation énergétique. Elle consiste à produire de l’électricité, du gaz et de la chaleur à partir des déchets.
De l’incinération à la méthanisation, comment la valorisation énergétique des déchets peut-elle participer à la transition énergétique et offrir de nouvelles opportunités aux territoires ? Cette solution est-elle réellement vertueuse ?
Décryptage.
Les différentes méthodes de valorisation énergétique des déchets
En France, deux principales techniques permettent de transformer les déchets en énergie : l’incinération avec récupération d’énergie et la méthanisation.
Mais l’innovation ne s’arrête pas là, avec la recherche de solutions toujours plus performantes et durables.
L’incinération avec récupération d’énergie
Selon l’ADEME, 8 % des déchets non recyclés ont été valorisés en énergie en France en 2022, soit 23 millions de tonnes par an.
La chaleur générée par la combustion des déchets est exploitée :
- Soit directement pour alimenter des industriels et des réseaux de chaleur locaux. 80 des 116 unités de valorisation énergétique et de traitement des déchets (UVETD) sont raccordées à un réseau de chaleur.
- Soit indirectement, avec la transformation de la chaleur en vapeur sous pression pour produire de l’électricité via un turboalternateur.
- Soit en cogénération pour la production de chaleur et d’électricité.
La méthanisation
La méthanisation transforme en biogaz la biomasse et les déchets organiques (effluents agricoles, résidus alimentaires, cultures intermédiaires à vocation énergétique, boues de station d’épuration, etc).
Cette technique reproduit le processus naturel de fermentation en anaérobie, c’est-à-dire en l’absence d’oxygène. La dégradation des matières organiques par des micro-organismes produit du biogaz. Une fois épuré, il devient du biométhane.
Le biogaz est utilisé pour produire de l’énergie et de la chaleur. Le biométhane peut être injecté directement dans les réseaux de gaz naturel et consommé.
Des solutions innovantes pour demain
La France explore des technologies de pointe pour accélérer la valorisation énergétique des déchets. Elles consistent à fabriquer à partir de déchets un gaz de synthèse aux propriétés proches du gaz naturel, directement injectable dans les réseaux et consommable.
La pyrogazéification
La pyrogazéification élargit le panel des déchets valorisables aux déchets solides secs non dangereux (déchets de bois, déchets d’ameublement, combustibles solides de récupération – CSR, etc).
Elle produit du gaz par pyrolyse. Chauffés à très haute température (entre 800 et 1500°C) dans un environnement à faible teneur en oxygène, les déchets se décomposent en gaz de synthèse.
Arrivée à maturité technologique, cette technologie entre en phase d’industrialisation. Les premiers projets industriels sont attendus en 2025-2026.
La gazéification hydrothermale
La gazéification hydrothermale valorise les déchets humides, liquides et secs contenant un minimum de carbone.
Ce procédé thermochimique convertit les déchets en gaz de synthèse, en les soumettant à de très hautes pressions et températures, en présence obligatoire d’eau.
Les premiers projets pilotes sont en cours, avec l’espoir d’une industrialisation en 2026-2027.
La valorisation énergétique des déchets, une solution vertueuse ?
En décarbonant les usages, la valorisation énergétique des déchets participe à la transition énergétique. Elle aide à atteindre les objectifs climatiques nationaux, tout en offrant aux collectivités une solution de développement local, durable et écologique.
Une gestion vertueuse des déchets
La valorisation énergétique redonne une utilité aux déchets industriels et ménagers qui ne peuvent pas être recyclés ni valorisés sous une autre forme. Jusqu’alors considérés comme un fardeau encombrant et polluant, les déchets deviennent de précieuses ressources.
Indispensable mais longtemps critiquée, l’incinération gagne en valeur ajoutée. Elle est désormais un moyen de production d’énergie renouvelable, intégré au mix énergétique.
Une réduction de l’impact environnemental des déchets
La valorisation énergétique réduit la pollution des sols provoquée par l’enfouissement des déchets non recyclables et non valorisables.
En se nourrissant de biomasse, la méthanisation limite aussi l’impact climatique des déchets verts laissés à l’abandon. Leur dégradation à l’air libre émet en effet du méthane, un gaz nocif au pouvoir de réchauffement global 25 fois supérieur au CO2.
Une solution de décarbonation des usages
Renouvelables et bas-carbone, la chaleur, l’électricité et le gaz issus de la valorisation des déchets réduisent le recours aux énergies fossiles polluantes et participent à la décarbonation de la consommation. Selon le cabinet de conseil Carbone 4, remplacer le gaz naturel par du biométhane réduit de 80 % les émissions de CO2 sur l’ensemble de la chaîne de valeur !
Concrètement, en 2022, l’incinération des déchets a couvert 45 % des besoins en énergie des réseaux de chaleur urbains en France, en lieu et place des centrales et chaudières à gaz ou à fuel.
Le biogaz remplace aussi peu à peu le charbon et le gaz naturel dans les centrales à cogénération. Sous forme de GNV (Gaz Naturel pour les Véhicules), le biométhane s’impose comme alternative aux carburants fossiles polluants.
Des opportunités économiques et industrielles
Modèle d’économie circulaire, la valorisation énergétique stimule l’économie locale. Pour les collectivités, c’est une solution durable et économique de gestion et de traitement des déchets produits sur leur territoire. Consommée à proximité, l’énergie produite localement par la transformation des déchets diversifie les sources d’énergie et sécurise l’approvisionnement énergétique.
Avec la plateforme Pilott, les collectivités peuvent connaître leurs consommations énergétiques pour bâtir un contrat d’énergie sur-mesure.
Également, le développement de nouvelles filières dynamise les territoires, en créant des emplois locaux non délocalisables. Selon le syndicat des énergies renouvelables (SER), la valorisation énergétique des déchets a créé en 2020 4 500 emplois de proximité.
Les défis de la valorisation énergétique des déchets
Comme toute technologie, la valorisation énergétique des déchets reste une solution imparfaite. Entre contraintes techniques, sociales et financières, les défis à relever sont nombreux pour déployer ce modèle vertueux.
Des contraintes technologiques et des coûts élevés
La valorisation énergétique des déchets exige des investissements conséquents. Selon GRDF, un site de méthanisation coûte en moyenne 4 millions d’euros. Les installations de pyrogazéification peuvent atteindre 30 à 60 millions d’euros. Et ces chiffres sont multipliés par cinq pour construire une unité de traitement et de valorisation énergétique des déchets (UVE) !
À ces contraintes financières s’ajoutent des contraintes techniques. Technologie la plus accessible, la méthanisation est freinée par les difficultés de raccordement liées à l’éloignement des réseaux de gaz. Une consommation énergétique insuffisante à proximité des sites de production peut aussi nécessiter la construction de sites de rebours pour acheminer le biométhane vers des consommateurs plus éloignés.
Les limites de l’acceptation sociale
La valorisation énergétique des déchets rencontre des oppositions locales. Aucune méthode de traitement et de gestion des déchets n’est épargnée par la méfiance des populations.
La méthanisation fait craindre des nuisances liées aux passages fréquents de camions et aux mauvaises odeurs. Malgré des normes strictes, les fumées émises par les unités de traitement et de valorisation énergétique inquiètent, soulevant des questions sur la pollution de l’air et la santé des populations locales.
L’inquiétude sur la disponibilité des déchets
La quantité de déchets non recyclables et non valorisables reste élevée en France. Mais elle diminue progressivement grâce au progrès du recyclage, du compostage, de la seconde main ou de l’achat en vrac.
En 2022, on comptait 345 millions de tonnes de déchets contre 355 millions de tonnes en 2010. Avec l’accélération de la prise de conscience environnementale et le renforcement des politiques publiques, la FNADE (Fédération Nationale des Activités de la Dépollution et de l’Environnement) estime que le tonnage de déchets sera divisé au minimum par quatre d’ici 2050.
Les ressources naturelles aussi se raréfient, avec l’artificialisation des sols et le ralentissement de la croissance des forêts lié au réchauffement climatique. Le Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE) anticipe un déficit de la biomasse en 2030. Des conflits d’usage apparaissent autour des surfaces naturelles et agricoles qui doivent à la fois répondre à des besoins alimentaires, énergétiques et climatiques (puits de carbone).
Pour conclure…
La FNADE estime qu’en 2028, les déchets non recyclables pourraient générer plus de 30 TWh d’énergie thermique et de gaz chaque année, soit l’équivalent de six réacteurs nucléaires. La valorisation énergétique des déchets est donc une vraie solution renouvelable et bas carbone, et un puissant levier de transition énergétique et de dynamisme territorial.
Mais, pour poursuivre sa croissance, elle devra relever des défis sociaux et financiers de taille. Plus durables et performantes, les nouvelles technologies sauront-elles franchir le cap de l’industrialisation ? La méthanisation pourra-t-elle dépasser les obstacles liés aux conflits d’usage ? La réduction des déchets freinera-t-elle ce processus prometteur ?
Ces questions restent aujourd’hui ouvertes.