À l’aube de leur vingtième anniversaire, les certificats d’économies d’énergie (CEE) sont pointés du doigt par la Cour des Comptes. Dans un communiqué du 17 septembre 2024, l’institution appelle à réformer en profondeur le dispositif « de plus en plus complexe », générant des « coûts de plus en plus importants » et victime « d’importants phénomènes de fraude ». Son efficacité réelle est mise en doute. Les économies d’énergie réalisées seraient « sensiblement surestimées ».
Tout serait-il bon à jeter dans ce dispositif au cœur de la politique énergétique de la France depuis 2005 ? Ce qui est certain, c’est que les conclusions de la Cour des Comptes devraient influencer les arbitrages de la sixième période des CEE 2026-2030. Retour sur ce mécanisme de transition énergétique et ses perspectives d’avenir.
Le dispositif des CEE : comment ça marche ?
Les certificats d’économies d’énergie (CEE) ont vu le jour en 2005, avec la loi de programme POPE du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique. Avec ce dispositif, la France se plaçait alors à l’avant-garde de la transition énergétique.
L’objectif ? Inciter financièrement entreprises, professionnels et particuliers à réaliser des économies d’énergies.
Le principe des CEE : « pollueur-payeur »
Le mécanisme des certificats d’économies d’énergie est complexe. Au cœur du système : les acteurs obligés. On les appelle ainsi car ils ont l’obligation d’obtenir un certain volume de CEE pendant une période donnée, sous peine de sanctions financières. Ces certificats témoignent des quantités d’énergie économisées grâce à leurs actions.
Le volume des CEE est fixé par l’État par période. Il est partagé entre les acteurs obligés au prorata de leurs ventes d’énergie.
Les acteurs obligés sont les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz naturel, GPL, chaleur, froid, fioul) et les distributeurs de carburants. On compte parmi eux de grands noms comme EDF, Engie, TotalEnergies, Leclerc, Auchan ou Carrefour.
D’autres acteurs non obligés sont éligibles au dispositif. Ce sont les collectivités territoriales, les établissements publics, l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) et les bailleurs sociaux.
Comment fonctionne le dispositif des CEE ?
Pour réaliser des économies d’énergies et obtenir leur volume de CEE, les acteurs « obligés » ont trois possibilités :
- Réaliser leurs propres travaux d’économies d’énergies pour contribuer à l’atteinte de l’objectif global.
- Acheter des certificats d’économies d’énergie sur le marché organisé des CEE, orchestre de la rencontre entre vendeurs et acheteurs.
- Aider les consommateurs à réaliser des travaux de rénovation et d’efficacité énergétique à travers les aides « Coup de pouce ». Le fournisseur obtient 1 certificat d’économies d’énergie pour 1 kWh cumac d’économie d’énergie réalisé par son client. On a ainsi vu se multiplier des offres "prime énergie", "prime CEE" ou encore "prime éco-énergie", dédiées à l’isolation thermique, au remplacement de la chaudière et, plus récemment, à l’installation d’une pompe à chaleur. Les fournisseurs sont libres de fixer le montant de leur participation financière aux travaux de performance énergétique éligibles. Ils sont également libres de définir la forme de leur aide (primes, bons d’achat, services gratuits, réductions…).
Les CEE obtenus par les acteurs obligés sont directement délivrés sur leur compte EMMY dans le registre national numérique.
Source : ATEE
Un peu d’histoire : les cinq périodes des CEE
Depuis 2005, cinq périodes CEE se sont succédé. Les objectifs d’économies d’énergie se sont affirmés de période en période. L’augmentation de plus de 4 000 % des obligations entre 2005 et 2022 donnent le vertige et traduit les ambitions de la France.
La première période transitoire des CEE (2005-2010)
Lors du lancement du dispositif, l’État fixe un un objectif d’économies d’énergie raisonnable de 54 TWh cumac (le kWh cumac est l’unité utilisée dans le calcul d’obligation). Cet objectif est largement atteint à l’issue de la période, avec plus de 65,3 TWhc d’économisés.
La deuxième période des CEE (2011-2014)
Suite au succès de la première période, l’objectif d’économies d’énergie augmente à 447 TWh cumac. L’élargissement du périmètre des acteurs obligés compense cette hausse spectaculaire, avec l’intégration des distributeurs de carburant.
La troisième période des CEE (2015-2017)
L’objectif d’économies d’énergie est quasiment multiplié par deux. L’ambition est fixée à 700 TWh cumac, pour répondre aux exigences européennes en matière de réduction d’énergie.
Durant cette période, la standardisation des documents et un processus déclaratif de demande sont mis en place. Le CEE précarité naît. Il oblige à dédier 150 TWhc supplémentaires à la lutte contre la précarité énergétique.
La quatrième période des CEE (2018-2021)
L’objectif d’économies d’énergie, de 2133 TWhc, suit toujours une courbe ascendante.
La quatrième période des CEE met en exergue certaines limites du système des CEE. La loi évolue pour lutter contre les fraudes. L'arrêté de contrôle du 28 septembre 2021 renforce les contrôles systématiques et aléatoires. Il durcit les exigences de qualité et abaisse le seuil des opérations non conformes autorisées.
La cinquième période des CEE (2022 – 2025)
Sur cette cinquième période, les objectifs atteignent 2400 TWh cumac, en phase avec les objectifs européens et nationaux de transition énergétique.
Cette période est marquée par le renforcement des aides CEE aux ménages les plus modestes. La répartition des obligations entre les fournisseurs est également modifiée, illustrant la volonté de décarbonation de la France. Les fournisseurs de gaz et de fioul subissent une hausse respective de leurs obligations de 83 % et de 52 %, tandis que les fournisseurs d’électricité voient leur coefficient d’obligations baisser de 11 %.
Source : Ministère de la transition énergétique
CEE : un bilan mitigé
En 2023, la concertation a été lancée pour fixer les modalités et objectifs de la sixième période des CEE. L’heure est aujourd’hui au bilan. Un bilan mitigé selon les conclusions du rapport de la Cour des Comptes publié en septembre 2024.
De réelles économies d’énergie
Même si elles seraient surestimées d’au moins 30 % selon les estimations de la Cour des Comptes, de réelles économies d’énergie ont été réalisées depuis 2005 grâce à l’accélération des travaux d’efficacité énergétique.
Selon les chiffres de la Cour, plus d’un million d’opérations ont été financées chaque année depuis 2021. Et de 2014 à 2020, le dispositif CEE « aurait permis de réduire de 106 TWh la consommation d’énergie en France en 2020, soit 6,5 % de celle-ci. »
En 2024, les CEE soutiennent près de 200 types de travaux d’économies d’énergie. Les entreprises, industries et ménages peuvent bénéficier d’aides CEE pour leurs travaux d’isolation thermique des bâtiments, la rénovation énergétique, le remplacement des équipements de chauffage, de régulation, d’eau chaude ou de ventilation (pompe à chaleur, thermostat, chaudière à haute performance énergétique, récupérateur de chaleur…) ou la mise en place d’un contrat de performance énergétique services.
Mais… une répercussion sur les factures énergétiques
Le dispositif des CEE a un impact direct sur les clients. Les fournisseurs répercutent sur les consommateurs le coût lié à l’obtention des certificats d’économies d’énergie.
La Cour des comptes dénonce une taxe sur l’énergie masquée. En 2023, chaque ménage a ainsi contribué « à hauteur de 164 euros en moyenne au dispositif des CEE, soit un peu plus de 4 % du montant de ses factures d’énergie ».
Mais… un risque de fraude toujours élevé
Dès la fin de la troisième période des CEE, Tracfin, l’organisme du ministère de l’Économie et des Finances chargé de ces questions, a relevé une augmentation des fraudes liées aux certificats d’économies d’énergie.
Gonflement du montant des travaux, surestimation des économies d’énergie, travaux frauduleux… : malgré le renforcement des contrôles, ce dispositif laisse place à de multiples arnaques, en particulier dans le secteur du bâtiment. À l’image de ce qu’il s’est passé sur la taxe carbone, des réseaux d'escrocs profitent également du dispositif CEE, avec des entreprises montées de toutes pièces pour récupérer les fonds générés par les certificats.
Mais… un dispositif de CEE complexe
Depuis sa création en 2005, le dispositif des CEE a connu de nombreuses évolutions. Le niveau d’obligation a augmenté. Des objectifs supplémentaires ont été ajoutés, comme le CEE précarité ou des bonifications temporaires pour soutenir des opérations précises (changement de chaudière, isolation des combles, pompe à chaleur).
Les règles « multiples et instables » aux yeux de la Cour des Comptes complexifie, fragilise et opacifie le système.
Quel avenir pour les CEE (2026 – 2030) ?
Nul doute que le rapport de la Cour des Comptes va nourrir les réflexions en cours sur la sixième période des CEE (2026-2030). Les enjeux sont forts à l’approche de l’échéance de 2030. Dans le cadre du paquet européen "Fit for 55", la France s’est en effet engagée à réduire de 30 % sa consommation d’énergie finale en 2030 par rapport à 2012.
Si la France ne devrait pas se priver de cet outil financier incitatif au centre de sa stratégie énergétique, la réforme en profondeur des CEE est défendue par la Cour des Comptes. Pour réguler et contrôler le système, elle prône la simplification du mécanisme, la mesure des économies d’énergie réelles après opérations, la fin des pratiques de bonification, l’automatisation des contrôles ou encore la participation accrue du Parlement. Autre solution proposée par la Cour : recentrer les certificats d’économies d’énergie sur les ménages les plus précaires.
En anticipation, la direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) a lancé un appel à programmes pour évaluer le dispositif des certificats d’économies d’énergie. Ses conclusions très attendues seront déterminantes pour la sixième période des CEE.
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