Six fois par an se déroulent les enchères de garantie de capacité, instaurées par l’État en 2017. L’objectif du mécanisme de capacité ? Garantir l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, même lors des pics de consommation.
S’il assure la sécurité de l’approvisionnement électrique, ce dispositif représente un coût pour les fournisseurs d’énergie, répercuté sur la facture des consommateurs.
Comment fonctionnent les enchères de garanties de capacité et quel est leur impact sur votre facture d’électricité professionnelle en 2025 ?
Décryptage.
Qu’est-ce que le mécanisme de capacité ?
L’électricité ne se stocke pas. À tout moment, la production électrique doit pouvoir couvrir les consommations. Le mécanisme de capacité, mis en place en 2017 en France, garantit la sécurité d’approvisionnement de l’électricité et prévient les coupures de courant généralisées.
Définition et principe
Le mécanisme de capacité impose une obligation de capacité aux fournisseurs d’énergie, dits acteurs obligés. Ces derniers doivent garantir leur capacité à assurer la fourniture d’électricité de tous leurs clients lors des pics de consommation (jours PP1 et PP2).
Pour couvrir cette obligation, les fournisseurs achètent des garanties de capacité à des producteurs d’électricité et à des opérateurs d’effacement. Ces derniers s’engagent, en cas de tension sur le réseau, à augmenter leur production ou à renforcer les dispositifs volontaires de réduction des consommations.
Les objectifs du mécanisme de capacité
Sécuriser l’approvisionnement électrique
Le mécanisme de capacité est issu de la loi NOME du 7 décembre 2010 portant Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité. La libéralisation des marchés de l’énergie fait alors craindre une baisse des investissements dans les moyens de production et des défaillances du système électrique lors des pics de consommation.
Le mécanisme de capacité vise à sécuriser l’approvisionnement électrique, à assurer l’équilibre entre l’offre et la demande et à éviter les black-out en période de pointe.
Stimuler l’investissement
Les revenus de la vente des garanties de capacité financent l’exploitation, la maintenance et la disponibilité des centrales de production peu rentables, exploitées uniquement quelques semaines par an en cas de tension sur le réseau.
Avec ce dispositif, l’État entend aussi inciter les producteurs à investir dans de nouveaux moyens de production d’électricité plus efficaces et rentables. Il encourage également opérateurs d’effacement, fournisseurs d’énergie et consommateurs à s’engager dans la sobriété énergétique pour réduire la consommation.
Comment fonctionne le marché de capacité ?
La vente et l’achat des garanties de capacité se déroulent sur le marché de capacité, sous le pilotage du gestionnaire du réseau de transport RTE.
Qu’est-ce que le marché de capacité ?
Pour couvrir leur obligation de capacité, les fournisseurs d’électricité achètent des garanties de capacité auprès des producteurs et opérateurs d’effacement en fonction de leur portefeuille de consommation.
Ces garanties s’échangent sur un marché virtuel. Le prix est fixé via des enchères, organisées par EPEX Spot (European Power Exchange), le gestionnaire de la bourse européenne de l’électricité.
Les garanties de capacité peuvent aussi être achetées directement, via des contrats de gré à gré.
Les 4 acteurs du marché de capacité
Les fournisseurs d’électricité
Les fournisseurs d’électricité achètent sur le marché des garanties de capacité pour couvrir les besoins en énergie de tous leurs clients lors des pics de consommation. C’est RTE qui fixe les volumes de capacités dont les acteurs obligés doivent disposer.
Les producteurs d’électricité
Les producteurs d’électricité et les opérateurs d’effacement vendent aux acteurs obligés des garanties de capacité. Ils s’engagent à produire plus d’électricité pendant les périodes de pointe ou à effacer une partie de la consommation.
Les capacités de production et d’effacement maximales qu’ils peuvent vendre sont validées par un contrat de certification établi par RTE.
RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité
RTE organise le mécanisme de capacité :
- RTE calcule l’obligation de capacité de chaque fournisseur en fonction de la consommation totale de ses clients pendant les pics de consommation. Pour effectuer ce calcul, RTE évalue l’obligation de capacité nationale pour les quatre années à venir, en se basant sur les estimations de consommation électrique de tous les consommateurs français pendant les périodes de pointe. Il répartit ensuite l’obligation de capacité nationale entre les acteurs obligés, proportionnellement à la consommation et aux profils de leurs clients.
- RTE certifie les capacités de production et d’effacement maximales des producteurs et opérateurs d’effacement. Elles constituent le niveau de capacité certifiée (NCC).
- RTE effectue des contrôles trois ans après l’année de livraison : le gestionnaire vérifie que les acteurs obligés ont bien acquis le niveau des garanties de capacité nécessaires pour couvrir la consommation de leurs clients en période de tension sur le réseau. Il s’assure également du respect par les producteurs de leur engagement de disponibilité. Les écarts constatés déclenchent un règlement financier.
CRE, la Commission de Régulation de l’Énergie
La Commission de Régulation de l’Énergie veille au bon fonctionnement du marché de capacité. La CRE publie pour chaque année de livraison les prix administrés – ou prix plafonds - et les prix de référence du marché (PRM) pour encadrer les enchères.
Les interactions entre les acteurs participant au mécanisme de capacité - Source EDF
La loi de finances 2025 pose les bases de la réforme du mécanisme de capacité qui entrera en vigueur en 2026.
L’objectif ? Permettre plus de flexibilité. La loi place RTE au cœur du nouveau dispositif.
La réforme libère les fournisseurs d’électricité de l’obligation d’acquérir des certificats de capacité pour couvrir les besoins de consommation de leurs clients.
La responsabilité est transférée sur RTE. Le gestionnaire de réseau fera directement l’acquisition sur le marché du volume total de capacité identifié pour garantir la sécurité d’approvisionnement de la France. Les coûts seront ensuite répercutés sur les fournisseurs via une taxe calculée sur la consommation de leurs clients lors des périodes de tension.
La concertation engagée en 2022 se poursuit pour préciser les modalités du nouveau mécanisme de capacité.
Comment fonctionne une enchère de garantie de capacité ?
Le marché de capacité repose sur un mécanisme d’échange entre acheteurs et vendeurs. Il se structure en six sessions annuelles d’enchères. Pour une même année de livraison, plusieurs enchères sont organisées.
Le prix des garanties de capacité est fixé en fonction de l’offre et de la demande. Des ordres d’achat sont émis par les fournisseurs d’énergie, précisant le prix d’achat maximum souhaité.
Des ordres de vente sont émis par les producteurs d’électricité, précisant le prix de vente minimum souhaité. La confrontation des offres et des demandes détermine le prix d’équilibre auquel sont achetées les garanties.
Les échanges sont tracés pour chaque année de livraison dans le registre des garanties.
Source : EPEX SPOT 2023 - Market Data
Quels sont les impacts du mécanisme de capacité sur les contrats d’électricité des professionnels ?
L’achat des garanties de capacité représente un surcoût financier pour les fournisseurs, répercuté sur la facture d’électricité de leurs clients, professionnels et particuliers.
L’impact des enchères de capacité sur le prix de l’électricité
Le fournisseur d’énergie peut intégrer le coût des garanties de capacité au prix de la fourniture d’électricité ou le mentionner séparément.
Pour 2024, le surcoût sur la facture d’électricité des enchères de capacité était estimé en moyenne entre 0 à 5€/MWh en fonction du profil de consommation.
Cabinet de conseil en énergie, SirEnergies accompagne les entreprises et professionnels pour trouver le contrat le plus adapté à leurs besoins et réduire leurs coûts énergétiques.
Certains contrats prévoient une révision annuelle du prix, basée sur l’évolution du prix des garanties de capacité. D’autres offres commerciales proposent de ne pas répercuter les hausses dans l’abonnement. Les entreprises peuvent négocier ce point à la souscription du contrat. Cabinet de sourcing et de conseil en énergie, Sirenergies accompagne les entreprises et professionnels pour trouver le contrat le plus adapté à leurs besoins et réduire leurs coûts énergétiques.
Comment est calculé le coût du mécanisme de capacité pour le consommateur ?
Le surcoût du mécanisme de capacité diffère pour chaque client. Il est calculé en multipliant le prix des garanties de capacité par le coefficient de capacité. Ce coefficient varie selon le type de contrat et la consommation électrique les jours de pointe PP1 et PP2. Il est indiqué sur la facture d’électricité.
Plusieurs choix sont possibles pour les entreprises et professionnels, en fonction de leur volume de consommation :
- Pour les petits consommateurs (sites C5 – Basse tension inférieure à 36 kVA) : le coefficient de capacité est généralement fixe et défini à l’année. Ce choix assure une visibilité financière, mais ne permet pas de négocier la baisse du surcoût de capacité si le prix des enchères diminue.
- Pour les consommateurs intermédiaires (sites C4 – Basse tension supérieure à 36 kVA) : le coefficient de capacité peut varier sur l’année, avec un surcoût pendant les jours de pointe l’hiver que l’entreprise peut maîtriser en réduisant ses consommations d’électricité.
- Pour les gros consommateurs (sites C2 - Haute tension) :le coefficient de capacité peut être actualisé toute l’année afin de l’adapter à la consommation réelle. Le paiement du surcoût est alors inclus dans l’abonnement ou régularisé une fois par an.
Peut-on réduire l’impact des enchères de capacité sur son budget d’électricité ?
L’impact des enchères de capacité sur la facture d’électricité dépend de la consommation. Pour réduire le coefficient de capacité, les entreprises et professionnels doivent maîtriser leurs besoins en énergie les jours de pointe. Elles peuvent adopter des mesures de sobriété énergétique ou déployer des dispositifs de réduction temporaire des consommations.
Évolution du prix des enchères de capacité en 2025
Après être monté jusqu’à 60 000 €/MWh en 2023, le prix de référence des garanties de capacité (PRM) a chuté en 2024 à 6 200 €/MWh. Cette baisse s’est confirmée avec la dernière enchère de décembre 2024. Le 5 décembre, l’enchère portant sur la livraison 2026 s’est établie à 2 522 €/MWh tandis que celle portant sur la livraison 2025 a atteint…0 €/MWh !
Le 6 mars 2025, la première enchère de l’année portant sur la livraison 2026 s’est conclue par un prix de 3 152,3 €/MWh. Malgré une hausse de 25 %, le niveau des enchères de capacité reste bas. La moyenne à date des enchères pour 2026 est à 6 175,4 €/MW soit moins de la moitié de la moyenne des enchères pour 2025.
Ces enchères peu élevées traduisent la confiance dans la capacité de la production à répondre à la demande en électricité lors des pics de consommation. Cette confiance en la sécurité d’approvisionnement se nourrit de la combinaison de deux phénomènes :
• Une offre en électricité sécurisée grâce à la bonne disponibilité du parc nucléaire français et l’augmentation des capacités de production des énergies renouvelables.
• Une demande de consommation en baisse en raison d’hivers plus doux et des efforts de sobriété énergétique réalisés par les consommateurs.

Pour conclure ...
Huit ans après sa mise en place, le mécanisme de capacité a fait ses preuves pour assurer la fiabilité du système électrique français. Le système doit aujourd’hui relever deux défis.
Si le montant des enchères est actuellement bas, comment garantir une plus grande stabilité du prix des garanties et une meilleure visibilité financière pour les entreprises ?
Comment utiliser le mécanisme de capacité pour soutenir la transition énergétique et orienter les investissements vers des moyens de production d’électricité fiables, disponibles et décarbonés, même en périodes de pointe ?
La réforme est en cours. La nouvelle approche doit permettre dès 2026 de renforcer l’efficacité, la cohérence et la flexibilité du dispositif, mais aussi d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en intégrant davantage les énergies renouvelables.