Paris 2024 : Les JOP sont-ils vraiment verts ?

Des Jeux olympiques « historiques pour le climat ». Telle est la promesse faite par la France, par la voix du président du Comité d’organisation de Paris 2024, Tony Estanguet. La maire de Paris Anne Hidalgo en a fait son cheval de bataille depuis la candidature de la ville en 2017.

Mais, avec 15 000 athlètes, 800 épreuves sportives, 13 millions de repas et plus de 15 millions de spectateurs attendus, organiser des Jeux Olympiques et Paralympiques écoresponsables est-il possible ?

Le défi de réduire de moitié le bilan carbone des JOP de Paris par rapport aux éditions précédentes est immense. Si les initiatives concrètes sont bel et bien là, sont-elles à la hauteur des engagements et de l’urgence climatique ? Analyse.

Quels sont les engagements écologiques de Paris 2024 ?

Dès sa candidature à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, la France a affiché son ambition de sobriété écologique : réduire de moitié l’empreinte carbone de cette grande fête mondiale du sport.

Le défi est grand. Les JO de Londres en 2012 et ceux de Rio en 2016 ont généré respectivement 3,4 et 3,6 millions de tonnes équivalent CO2. En 2020, l’absence de spectateurs étrangers en pleine crise du Covid-19 a fait descendre l’empreinte carbone des JO de Tokyo à 2,8 millions.

Pour atteindre son ambition, Paris 2024 a pour la première fois pensé le budget carbone en amont de l’événement. L’objectif est précis : ne pas dépasser 1,58 million de tonnes de CO2.

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Diviser par deux l’empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes, soit 1,5 million de tonnes de CO2 maximum.

Diviser par deux la quantité de plastique à usage unique.

100 % d’énergie renouvelable d’origine éolienne ou solaire produite en France.

25 % de la restauration issue de produits locaux à moins de 250 km.

100 % de l’alimentation certifiée.

100 % des sites accessibles en transport en commun, vélo et marche.

Quelles sont les initiatives concrètes pour réduire l’empreinte carbone des JOP 2024 ?

« Réduire tout ce qui peut être réduit ». Le message affiché sur le site officiel de Paris 2024 est clair. Pour relever ce défi, le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojo) a ciblé quatre postes de dépenses carbone prioritaires : la construction, la mobilité, la restauration et la gestion des ressources.

Dans chaque domaine, Paris 2024 innove et expérimente pour anticiper l’avenir énergétique.

Des constructions responsables et réutilisées

Recourir aux infrastructures existantes

Pour l’organisation de Jeux plus écoresponsables, Paris a pu compter sur les 95 % d’infrastructures déjà construites.

Les épreuves d’athlétisme et de rugby se déroulent au Stade de France. Les épreuves de cyclisme sur piste sont organisées au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, inauguré en 2014. Le site emblématique de Roland-Garros est connu dans le monde entier depuis les années 1930 pour son tournoi de tennis.

Le Château de Versailles ouvre ses portes aux épreuves d’équitation. La Marina de Marseille a été adaptée à la compétition de voile. Et tous les stades des grandes villes françaises sont prêts à accueillir les matchs de football.

Recycler les sites temporaires

Des sites temporaires complètent les infrastructures. Bâti pour accueillir les expositions culturelles pendant la rénovation du Grand Palais, le Grand Palais éphémère – rebaptisé Arena Champ de Mars - est réutilisé pour l’escrime.

Des structures démontables sont installées sur le Champ de Mars, aux Invalides et place de la Concorde pour le tir à l’arc, le skateboard, le volley-ball de plage ou encore le cécifoot.

Toutes ces constructions éphémères seront démontées et leurs matériaux réemployés, réutilisés ou recyclés. Symbole de cette économie circulaire : le Grand Palais éphémère, conçu dès l’origine pour pouvoir être démonté et remonté, ou revendu en morceaux.

Seuls le centre aquatique de Saint-Denis, le Village des Athlètes et le Village des Médias ont dû être bâtis pour les Jeux Olympiques et Paralympiques. À l’issue de l’événement, ces infrastructures seront remises en « héritage » aux citoyens. Le Village des Athlètes deviendra un éco-quartier pouvant héberger 12 000 habitants et travailleurs.

Construire des bâtiments durables

Le cahier des charges environnemental des constructions est strict : ne pas dépasser les 700 kg équivalent CO2, contre une tonne en moyenne.

Toits végétalisés de l’Adidas Arena et du Village des Athlètes, toiture photovoltaïque du Centre Aquatique, gradins en plastique 100 % recyclé, triples vitrages, béton bas carbone et bois, planchers rafraîchissants, espaces végétalisés, géothermie, récupération des eaux pluviales… : Paris 2024 privilégie des technologies innovantes et responsables pour construire des bâtiments résilients au changement climatique, préservant l’environnement et la biodiversité.

La société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) annonce pour le Village des Athlètes un bilan carbone de 47 % inférieur à celui d’une construction classique sur l’ensemble du cycle de vie.

Une mobilité de proximité et durable

Avec un réseau de transports en commun très maillé, Paris 2024 promeut la mobilité de proximité. 100 % des sites en Île-de-France sont accessibles en transports collectifs, à pied ou à vélo.

Pour réduire les déplacements, 30 disciplines se déroulent dans un rayon de 10 kilomètres autour du  Village des athlètes. 400 kilomètres de piste cyclable relient les sites olympiques, à l’exception de celui de l’Arena Paris Nord.

Des navettes gratuites au biogaz ou au biocarburant rejoignent les sites franciliens les plus excentrés. Près de 800 bornes de recharge électrique sont mises à disposition des organisateurs et des délégations. Le transport fluvial a aussi été mis à contribution pour évacuer les déchets des chantiers.

Carte des sites olympiques Paris 2024 - Crédit photo : © Paris 2024

Carte des sites paralympiques Paris 2024 - Crédit photo : © Paris 2024

Une mobilité locale plus durable ne compense cependant pas l’impact sur le climat du transport aérien, point noir écologique des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Conscient de ce talon d’Achille, Paris 2024 s’engage à compenser ces émissions carbone indirectes. Des financements ont d’ores et déjà été accordés à plusieurs projets environnementaux et sociaux comme la plantation d’une nouvelle forêt en Île-de-France, la construction de centrales photovoltaïques dans les zones équatoriales ou la protection des forêts et mangroves dans le monde.

Les projets d’évitement et de captation carbone soutenus par Paris 2024. - Source : ©paris2024.org

 

Une alimentation et une restauration locales et bio

Sur un mois, plus de 13 millions de repas seront servis. Pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, Paris 2024 mise sur une alimentation bio, locale et végétale.

Le Cojo a fixé des objectifs ambitieux, avec 100 % d’alimentation certifiée et 80 % d’origine française. 25 % des produits seront approvisionnés dans un rayon de 250 kilomètres.

Le Comité d’organisation vise également le doublement de l’offre végétale. Et 100% des ressources alimentaires non consommées seront valorisées pour réduire le gaspillage alimentaire.

 

Une utilisation réduite des énergies et des ressources

Privilégier une énergie bas-carbone

Les JOP 2024 se veulent un tournant dans l’usage des énergies lors des grands événements.

Toutes les infrastructures sportives sont raccordées au réseau électrique national, alimenté majoritairement par l’énergie nucléaire bas-carbone et les énergies renouvelables. Des bornes électriques escamotables souterraines assurent la connexion des sites temporaires au réseau.

La sécurisation des raccordements électriques existants limite le recours aux groupes électrogènes de secours fonctionnant au diesel. Les groupes nécessaires pour couvrir les besoins ponctuels et spécifiques sont alimentés en biocarburant.

L’autoconsommation est aussi expérimentée à grande échelle. Une ombrière photovoltaïque de 800 m² et une centrale solaire flottante sur la Seine alimentent une partie du centre d’accueil des délégations et la zone de rencontre entre les athlètes et les journalistes.

Réduire les déchets

Côté déchets, le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (Cojo) fait la chasse aux objets et matériaux à usage unique, promouvant l’économie circulaire, la mutualisation, le recyclage et la seconde main.

Par exemple, Georgina Grenon, directrice de l’excellence environnementale Paris 2024, a annoncé en 2023 que "les 42 000 chaises, 10 000 tables de bureau, 6 000 étagères ou encore les 800 postes de travail utilisés pour les JOP seront revendus en seconde main, donnés ou recyclés ».

Et cela devrait être le cas de tous les équipements et mobiliers nécessaires à l’organisation de l’événement. Quant aux produits et services, ils sont majoritairement éco-conçus, privilégiant des matériaux naturels et la fabrication française.

Autre objectif ambitieux : diviser par deux la quantité de plastique à usage unique. Et comme le Diable se cache dans les détails, la vaisselle jetable est proscrite et l’utilisation de gourdes réutilisables est encouragée.

Les JOP peuvent-ils vraiment être écoresponsables ?

Entre enthousiasme sportif et inquiétudes écologiques, les JOP 2024 divisent. Si les Jeux Olympiques et Paralympiques sont un vecteur d’accélération des investissements, innovations et expérimentations dans la transition énergétique, peuvent-ils vraiment être « verts » ? La réponse semble être sans appel.

L’avis des experts et écologistes

Des Jeux « verts »impossibles... 

Si les efforts considérables de Paris 2024 en matière d’écologie sont unanimement reconnus, tous les experts et écologistes s’accordent : organiser des Jeux Olympiques et Paralympiques « verts » est impossible. Même les organisateurs le reconnaissent aujourd’hui.

L’objectif de neutralité carbone est abandonné. Dès 2023, Benjamin Levêque, responsable climat et biodiversité au sein du Cojo, avouait ainsi que « c’est un impact significatif, mais très inférieur à ce qui se faisait avant ».

Des points noirs environnementaux ternissent l’image de Jeux écoresponsables : le bétonnage partiel des jardins ouvriers d’Aubervilliers et du parc de La Courneuve en Seine-Saint-Denis, l’endommagement des récifs de coraux à Tahiti pour les épreuves de surf, l’installation de 2 500 climatisations temporaires dans le Village des Athlètes, les taxis volants électriques… Mais c’est surtout le transport aérien de dizaines de milliers de spectateurs qui fait grincer les dents.

L’illusion de la compensation carbone

L’organisation d’un tel événement génère inévitablement des gaz à effet de serre. Et la réponse de la compensation carbone ne convainc pas.

Cette stratégie illusoire est dénoncée par nombre d’associations environnementales. Deux écueils sont soulignés par l’organisme Carbon Market Watch : la difficulté à estimer le réel impact sur le climat et les émissions de gaz à effet de serre des projets environnementaux soutenus, et les conséquences parfois négatives sur la population et la biodiversité locales.

Des solutions pour des JO plus verts ?

Madeleine Orr, experte en écologie du sport et professeur à l'université britannique de Loughborough, résume la pensée de la majorité des protecteurs de l’environnement : « l’événement le plus durable est celui qui n’a pas lieu ».

Sans aller jusqu’à cette solution extrême, les experts avancent des pistes pour des Jeux plus durables : réduire la taille de l’événement ; alterner l’organisation entre quelques villes déjà équipées pour l’événement ; organiser les épreuves simultanément dans plusieurs villes dans le monde pour privilégier un public local ; encourager les rassemblements de proximité pour vibrer ensemble devant des écrans sans se déplacer.

Les futures compétitions sportives pourraient s’inspirer de l’exemple des Jeux en huis clos de Tokyo. L’absence de spectateurs internationaux avait à elle seule réduit les émissions de gaz à effet de serre de 12,5 %.

Une opinion publique balancée

Dans l’opinion publique, l’écologie semble loin derrière les autres préoccupations. Selon un sondage réalisé par IPSOS en avril 2024, l’indifférence dominait chez les Français à quelques mois du coup d’envoi des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Ce résultat est corroboré par le sondage commandé en mai 2024 par BFMTV. Si 60 % des personnes interrogées reconnaissent des retombées positives pour le sport, le tourisme, l’économie ou la place de la France dans le monde, les critiques abondent quand il s’agit de parler budget et écologie.

71 % des Français dénoncent le coût exorbitant des Jeux, estimé à près de 12 milliards d’euros. Ils sont plus divisés sur l’impact écologique, jugé « trop important » par un Français sur deux et « limité » par 22 %, tandis que 27 % « ne savent pas ».

Les Parisiens et Franciliens sont les plus mitigés, à la fois fiers d’accueillir les Jeux Olympiques et Paralympiques et inquiets pour les conséquences sur leur vie quotidienne, la sécurité ou le prix des transports. Plusieurs décisions sociales ont choqué comme la mise à l’écart des pauvres, la réquisition des logements étudiants, l’obligation de télétravailler ou la réservation d’axes routiers pour les voies olympiques.

 

Les JOP 2024 sont-ils « verts » ? La réponse est indéniablement non. Mais ils devraient être plus écoresponsables que les éditions précédentes. Il faudra cependant attendre le bilan carbone définitif pour vérifier cette affirmation.

Si Paris 2024 permet d’accélérer l’innovation dans des solutions de transition énergétique, un événement d’une telle ampleur génère inévitablement des émissions de gaz à effet de serre, difficiles à compenser.

Quel peut être l’avenir des Jeux Olympiques et Paralympiques dans un contexte de réchauffement climatique ? Face à l’urgence environnementale, les experts et écologistes militent pour des changements radicaux. Dans un monde en cours de bouleversement, les pays sont-ils prêts à réinventer les Jeux – et plus globalement les grands événements sportifs - symboles d’union, de paix et de respect ?

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