Responsable de 30 % des émissions de CO2 dans le monde (hors UTCATF - Utilisation des Terres, Changement d'Affectation des Terres et Foresterie), le pétrole est dans le viseur des politiques énergétiques. En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 vise à réduire de 35 % la consommation primaire d’énergies fossiles en 2028 par rapport à 2012.
L’objectif annoncé ? Atteindre la neutralité carbone en 2050 pour lutter contre la pollution et le réchauffement climatique. Il est aussi urgent de réduire la dépendance à cette ressource polluante menacée par le risque d’épuisement.
Mais peut-on réellement se passer du pétrole ? Les statistiques mondiales laissent à penser que non. Depuis 1970, la consommation ne cesse d’augmenter.
Pour 2023, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport publié en février, elle prévoit un nouveau record de la demande de pétrole, estimée à 101,9 millions de barils par jour, soit une hausse de 2 millions par rapport à 2022.
En cause ? La croissance économique, portée par la Chine. Le pétrole est l’énergie la plus consommée dans le monde. "L’or noir" reste indispensable dans de nombreux secteurs économiques, comme les transports, les industries ou l’agriculture. Il répond aujourd’hui à plus de 30 % des besoins énergétiques dans le monde.
Sortir du tout pétrole nécessite d’agir à deux niveaux : remplacer le pétrole par des ressources inépuisables et réduire les besoins énergétiques à la source.
Énergies renouvelables, solutions industrielles décarbonées et sobriété énergétique sont-elles le trio gagnant pour se passer réellement de pétrole un jour ? Tour d’horizon des alternatives au pétrole et des défis qu’elles posent.
Quelles sont les industries dépendantes du pétrole ?
Le pétrole a trois grandes utilités. C’est la matière première principale des carburants. Il prédomine aussi dans la pétrochimie pour fabriquer de nombreux produits. Dans une moindre mesure, il peut être utilisé comme source de chaleur.
Les industries du transport
Les industries du transport sont les principales consommatrices de pétrole dans le monde.
Selon l’étude World Energy Outlook de 2018 réalisée par l’Agence internationale de l’énergie, les transports représentent 56 % de la consommation mondiale de pétrole, répartis entre les transports routiers (44%) et les secteurs aérien et maritime (12%).
En France, 98 % des carburants sont d’origine pétrolière. Le pétrole est la principale matière première de l’essence, du diesel, du gazole, du fioul et du kérosène.
Les industries chimiques et plastiques
19 % de la consommation mondiale de pétrole sont liées à l’industrie et à la pétrochimie. Plastiques, peintures, cosmétiques, colorants, etc : le pétrole est la matière première principale de multiples produits.
Le PVC, le polyéthylène, le polyamide, le polyester, le PET, le polyuréthane et le polycarbonate font partie de ses nombreux dérivés. Le pétrole est partout. Dans les bouteilles en plastique, les vêtements, les jouets, l’ameublement, l’industrie automobile, les fenêtres, les sacs-poubelles, les adhésifs, les verres de lunettes et autres objets de la vie quotidienne.
Une source de chaleur et d’électricité
Le pétrole représente 4,6 % de l’électricité mondiale. Il est parfois utilisé comme combustible de chauffage domestique ou comme source de chaleur dans l’industrie. Mais il reste une source d’énergie secondaire, loin derrière le nucléaire, le charbon, le gaz et les énergies renouvelables.
Quelles sont les alternatives au pétrole ?
Dans tous ces secteurs, des alternatives au pétrole se développent. L’objectif ? Remplacer les énergies fossiles par des solutions durables, moins émettrices de gaz à effet de serre, et inépuisables. Chaque option présente néanmoins ses propres limites à lever pour espérer un jour se libérer de la dépendance au pétrole.
Les carburants alternatifs au pétrole
Dans le secteur des transports, les recherches portent dans plusieurs directions : les biocarburants et l’électricité.
Les biocarburants
Dans l’aviation, certaines compagnies aériennes testent l’intégration au kérosène de biocarburants durables issus de matières biologiques (arbres, déchets agricoles, huiles de cuisson…) C’est tout l’enjeu de la « chimie du végétal ». L’objectif des chercheurs ? Réussir à industrialiser la transformation de la biomasse en carburants alternatifs aussi performants que le pétrole.
Des recherches sont aussi en cours pour développer des carburants de synthèse dans les secteurs aérien et maritime.
L’électricité
Pour remplacer les carburants pétroliers, les espoirs se tournent aujourd’hui vers l’hydrogène et l’électricité. C’est le choix qu’a fait la France pour ses transports routiers.
Cependant, remplacer le pétrole par de l’électricité issue d’énergies fossiles comme le charbon ou le gaz ne résoudrait pas la question environnementale. Pour offrir une solution durable à long terme, l’électricité doit être issue des énergies renouvelables.
L’énergie solaire, l’éolien, l’hydroélectricité et la géothermie sont-ils à niveau pour espérer produire assez d’électricité et remplacer le pétrole dans les transports ?
Les énergies renouvelables, une alternative crédible au pétrole ?
Les énergies renouvelables cumulent les atouts. Elles sont naturelles, locales, peu émettrices de gaz à effet de serre et inépuisables. Leur développement se heurte néanmoins à plusieurs obstacles à lever pour augmenter la production mondiale et offrir une alternative crédible au pétrole.
Le premier frein ? L’intermittence de la production. L’énergie solaire, l’énergie éolienne et l’hydroélectricité sont respectivement dépendants de l’ensoleillement, de la force du vent ou du débit de l’eau.
Des épisodes répétés de sécheresse pourraient menacer la production hydroélectrique. En hiver, la production photovoltaïque ralentit. Quant aux pics de production, ils ne coïncident pas toujours avec les pics de consommation électrique. Énergies renouvelables riment avec stockage, ce qui pose la question des batteries et de l’utilisation de métaux rares comme le lithium.
Les énergies renouvelables posent aussi la question de l’acceptabilité sociale. Contrairement aux raffineries de pétrole souvent lointaines, les installations de production d’électricité sont à proximité. Respect des paysages, préservation de la biodiversité et utilisation des terres s’invitent à la table des échanges avec les riverains. L’énergie géothermique quant à elle fait peur avec ses forages de grande profondeur.
Dernier obstacle : les coûts d’investissement et d’exploitation des installations d’énergies sont élevés pour une rentabilité à long terme.
Pour se passer du pétrole et produire suffisamment pour combler les besoins, les énergies décarbonées doivent lever ces obstacles pour progresser dans le monde.
Les alternatives aux dérivés du pétrole dans la pétrochimie
Dans le domaine de la pétrochimie, les innovations se multiplient pour trouver des solutions de remplacement au pétrole. Toutes ces recherches prometteuses se heurtent néanmoins à une difficulté : le coût et la complexité de leur industrialisation à plus grande échelle.
Les solutions chimiques biosourcées
La recherche mobilise les talents des ingénieurs chimistes pour remplacer des composants pétrosourcés issus de ressources fossiles par des molécules biosourcées. Voici deux exemples d’innovations parmi les nombreuses expérimentations en cours dans le domaine de la biochimie.
Dans le secteur pharmaceutique, une équipe de chercheurs belges travaille sur le développement de la production d’aniline à partir de lignine, un composé du bois, pour remplacer les dérivés du pétrole très présents dans les médicaments.
Des études portent aussi sur l’acide lévulinique, une molécule biosourcée qui pourrait proposer une alternative biosourcée pour produire des solvants et des plastifiants. Elle s’obtient à partir du glucose présent dans les déchets agricoles issus de la biomasse comme le bois ou la canne à sucre.
De nouveaux matériaux issus du végétal
Des chercheurs explorent la piste du végétal. L’objectif de la bioéconomie ? Exploiter la biomasse et les déchets de l’agroalimentaire et de l’agriculture pour créer des matériaux recyclables ou biodégradables capables de remplacer les molécules dérivées du pétrole.
En France, l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) mise sur la peau de tomate aux propriétés imperméables et souples.
De sa cuticule peut par exemple être extrait un polymère étirable, sorte de caoutchouc. D’autres chercheurs ont utilisé le lin pour créer l’isolation d’un toit de voiture. La cellulose de bois pourrait remplacer les tensio-actifs dans les cosmétiques, peintures, pesticides et bitumes.
Comment se passer du pétrole ?
Se passer du pétrole, c’est aussi réduire ses besoins en pétrole à la source. Entreprises, particuliers, collectivités : chacun peut agir à son échelle, individuellement et collectivement.
Réduire les besoins en pétrole à la source
Une mobilité plus durable
Pour réduire l’usage du pétrole dans les transports, la meilleure solution est de diminuer le nombre et la longueur de ses déplacements pour diminuer ses besoins en carburants. Comment ? Par exemple, en regroupant ses trajets, en favorisant les commerces à proximité, en effectuant ses démarches en ligne ou en privilégiant le train à l’avion.
Si le déplacement ne peut être évité, l’adoption de solutions de mobilité durable – quand c’est possible -, permet de limiter l’usage du pétrole et ses impacts environnementaux. Transports en commun, vélo, covoiturage, trottinette offrent de multiples possibilités.
Une consommation plus responsable
Chacun peut agir en appliquant la règle des 5 R : Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler et Rendre à la terre. Mécaniquement, le recyclage et la seconde main réduisent les impacts environnementaux des produits fabriqués à partir de pétrole, comme les jouets en plastique ou les vêtements en polyester.
Si l’achat est inévitable, le consommateur peut opter pour des matières recyclées, recyclables et biosourcées pour réduire les besoins en pétrole.
Les initiatives des entreprises pour réduire leur empreinte carbone
Les entreprises peuvent aussi agir pour réduire les besoins en pétrole.
Côté mobilité, elles peuvent participer à l’effort collectif en proposant à leurs collaborateurs le télétravail, solution concrète pour réduire la mobilité quotidienne domicile travail.
À l’heure de la visio, elles peuvent favoriser les réunions à distance pour limiter les déplacements professionnels. Elles peuvent aussi soutenir l’autopartage et remplacer progressivement leur parc automobile en investissant dans des véhicules électriques.
Comme tout consommateur individuel, elles peuvent privilégier les achats responsables, utiliser du matériel de seconde main ou reconditionné, encourager le recyclage et diminuer leurs consommations énergétiques.
Vers un monde plus durable
Plus globalement, industries et villes peuvent agir à grande échelle pour progresser vers un monde plus durable, moins consommateur de pétrole.
L’industrie durable, c’est une industrie qui innove pour la croissance verte. Il ne s’agit pas seulement de produire des produits plus durables. L’industrie durable signifie agir à tous les niveaux de la chaîne de production pour adopter des process et des technologies respectueux de l’environnement et moins énergivores.
La ville durable prend en compte dans tous ses aménagements et son fonctionnement l’équilibre social, économique et environnemental pour notamment réduire la pollution et la consommation d’énergies fossiles comme le pétrole. Une ville durable favorise un urbanisme écologique, favorisant la proximité et la mobilité verte, en application des concepts du développement durable.
Aujourd’hui le pétrole reste l’énergie la plus consommée dans le monde. De nombreux secteurs économiques en dépendent, notamment les transports et la pétrochimie.
Sur le papier, sortir du tout pétrole est possible. Des énergies renouvelables aux solutions biochimiques biosourcées en passant par les matériaux végétaux, les solutions alternatives existent.
Elles se heurtent néanmoins à de nombreux obstacles pour se développer suffisamment pour pouvoir remplacer le pétrole. Se passer de pétrole est possible à la condition de combiner l’effort de tous pour réduire les besoins énergétiques et des investissements élevés pour développer les solutions alternatives.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter notre article sur le biopétrole.