Planification écologique : convertir les centrales à charbon en biomasse
La France sera totalement sortie du charbon d’ici le 1er janvier 2027 pour la production d’électricité. C’est ce que le Président Emmanuel Macron a annoncé lors du dernier conseil de planification écologique le 25 septembre 2023. Cela s’inscrit dans la stratégie de transition énergétique nationale pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Sur les quatre centrales à charbon que comptait la France, deux ont d’ores et déjà fermé leurs portes. Les deux dernières sont toujours en activité. Un décret du 24 août 2023 a prolongé leur durée de fonctionnement jusqu’à fin 2024 pour faire face à la crise énergétique.
Pour réduire l’impact environnemental des centrales thermiques, l’État soutient leur conversion en biomasse.
Pourquoi et comment reconvertir une centrale à charbon ? L’utilisation de la biomasse comme source d’énergie est-elle une bonne alternative au charbon ? L’actualité est l’occasion de faire le point sur ce sujet controversé.
Comment fonctionne une centrale thermique ?
Les centrales à charbon et biomasse appartiennent à la famille des centrales thermiques. Ces dernières produisent 75 % de l’électricité mondiale. Elles se distinguent par la source d’énergie utilisée.
Comment une centrale thermique produit-elle l’électricité ?
La centrale thermique utilise le principe de l’énergie thermique. Elle transforme la chaleur en courant électrique lors d’un processus en quatre étapes :
• La première étape consiste à produire de la chaleur, en brûlant un combustible dans une chambre de combustion.
• La chaleur libérée est utilisée pour chauffer de l’eau et générer de la vapeur.
• Sous pression, la vapeur entraîne une turbine reliée à un alternateur.
• L’alternateur produit un courant électrique alternatif. Après passage par le transformateur, le courant peut être acheminé via le réseau de transport.
À la fin du cycle, la vapeur est retransformée en eau grâce à un condenseur. Refroidie, elle est réinjectée dans le circuit de production. Dans la cogénération, une partie de la vapeur est récupérée pour alimenter un réseau de chauffage local, résidentiel ou industriel.
Les fumées dégagées lors du processus sont filtrées pour éliminer les poussières. Rejetées dans l’atmosphère, elles participent au réchauffement climatique en raison de leur forte teneur en CO2.
Quelle est la différence entre une centrale à charbon et une installation biomasse ?
Toutes les centrales thermiques à flamme suivent le même procédé de transformation de la chaleur en électricité et/ou en chauffage. Elles se distinguent par le type de combustible brûlé. La majorité utilise des combustibles fossiles, comme le charbon, le fuel ou le gaz.
Le charbon reste la première source d’électricité mondiale. D’après le rapport publié en juillet 2023 par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il a assuré 36 % de la production mondiale d’électricité en 2022. La puissance du parc mondial a même augmenté de… 19,5 GW... La raison de cet engouement ? Des prix abordables, l’augmentation des besoins industriels dans le monde et la relance des centrales à charbon en Europe pour répondre aux problèmes d’approvisionnement en gaz.
La biomasse apparaît comme une alternative durable au charbon. Une centrale thermique biomasse produit de l’électricité en brûlant des matières premières végétales, du bois, des ordures ménagères organiques ou encore du biogaz issu de la fermentation des déchets.
Pourquoi reconvertir les centrales à charbon en biomasse ?
Selon l’ONG américaine Global Energy Monitor, la transition environnementale dans le monde passe par la fermeture des usines à charbon et le développement des énergies renouvelables. C’est la stratégie suivie par la France. Dans le cadre de la planification écologique, la fin de ce combustible fossile est annoncée en 2027.
Les enjeux environnementaux des centrales à charbon
Les centrales à charbon sont dans le viseur des gouvernements et des associations environnementales. Il faut dire qu’elles cumulent les mauvais points en matière d’environnement.
Des émissions de CO2 élevées
L’impact environnemental du charbon est très défavorable. Selon l’Ademe, une centrale thermique à charbon émet 1 060 g d’équivalent CO2 par kWh produit. En comparaison, une installation nucléaire émet 6 g CO2e/kWh.
Dans son dernier rapport, l’AIE tire la sonnette d’alarme. Les émissions mondiales de CO2 provenant du charbon ont atteint en 2022 un nouveau record historique avec près de 15,5 Gt. Elles représentent 42 % des émissions de CO2 mondiales liées à l’énergie, devant le pétrole (11,2 Gt). À titre de comparaison, l’industrie représente 9,2 Gt de CO2.
Les centrales à charbon émettent aussi du méthane et des oxydes d’azote (Nox). Ces polluants atmosphériques participent fortement à l’effet de serre.
Un combustible fossile
Le charbon est une matière première fossile. Il résulte de la transformation de matières organiques végétales enfouies dans le sol. Sous l’effet de la pression et des températures élevées, elles se sont décomposées et transformées en une matière solide et combustible à haute teneur en carbone.
Or, les réserves ne sont pas inépuisables. En 2020, elles étaient estimées à un peu plus de 1 000 milliards de tonnes. Au rythme de consommation actuelle, les gisements pourraient être épuisés d’ici une centaine d’années.
La biomasse contribue à la durabilité environnementale
La biomasse est présentée aujourd’hui comme une solution durable pour remplacer le charbon et réduire l’impact environnemental des centrales thermiques. Ses limites sont néanmoins pointées du doigt par certaines associations.
Un combustible renouvelable et local
La biomasse est une source d’énergie durable, renouvelable et locale. Elle est constituée principalement de matières organiques végétales comme les déchets agricoles, agroalimentaires ou ménagers, les bois de récupération ou encore le biogaz.
En France, elle est d’origine principalement solide. Composée de bois et de granulés, elle sert principalement au chauffage résidentiel. Sur 132 TWh consommés en 2021, seuls 11 TWh étaient destinés à la production d’électricité.
La biomasse cumule d’autres atouts. Pilotable et stockable, elle offre une solution de proximité pour la valorisation des déchets organiques. Elle favorise aussi l’autonomie énergétique des territoires, en offrant l’accès à une énergie verte et locale aux consommateurs.
Un bilan carbone neutre ?
La combustion des matières organiques génère du dioxyde de carbone. Cependant, on considère que ces rejets de gaz à effet de serre sont annulés par la quantité de CO2 absorbée par les végétaux pendant leur croissance. Ce cycle court assure à la biomasse un bilan carbone relativement neutre.
Si la réduction des émissions de CO2 entre le charbon et la biomasse est indéniable, les associations de protection de l’environnement restent néanmoins prudentes. Elles rappellent que la décarbonation n’est possible qu’à une condition : conserver un équilibre entre la plantation de végétaux, synonyme d’absorption de CO2, et leur combustion, synonyme d’émissions de CO2.
Elles craignent aussi que la multiplication des installations biomasse menace cet équilibre et exerce une pression accrue sur les forêts, avec un risque de déforestation.
Comment va s’opérer la conversion en biomasse des centrales à charbon françaises ?
Si Emmanuel Macron vient d’annoncer le remplacement du charbon par la biomasse dans le cadre de la stratégie écologique nationale, les projets de reconversion sont déjà lancés pour des mises en service au plus tard en 2026.
Le projet de transformation énergétique de la centrale de Cordemais (Loire-Atlantique)
Le projet de décarbonation de la centrale de Cordemais est engagé depuis 2015 par le groupe EDF. Sous le nom de code « Écocombust 2 », son objectif est triple : continuer à couvrir un quart des besoins en électricité des Pays de la Loire, tout en décarbonant la production et en préservant l’emploi local.
Si le projet ne rencontre pas de résistance, des "black pellets" devraient remplacer le charbon dès 2026. Ces derniers sont fabriqués à partir de déchets de bois de classe B, comme les déchets d’ameublement ou du bâtiment.
En 2019, pendant les phases de test, Lionel Olivier, le directeur de la centrale thermique de Cordemais, expliquait ce choix : « On arrive avec ces pellets à avoir quelque chose qui est très proche du charbon en termes de comportement ».
Le projet de transformation énergétique de la centrale de Saint-Avold (Moselle)
Autorisée à fonctionner jusqu’à fin 2024, la centrale de Saint-Avold prépare également sa transition. Un projet de réindustrialisation décarbonée de l’usine est porté par son exploitant GazelEnergie.
Les premiers tests de combustion de "black pellets" sont planifiés pour l’hiver 2024. L’objectif est d’engager les premiers travaux d’avril à octobre 2024, pour une reconversion progressive des installations sans arrêt de la production d’électricité.
Plus largement, l’exploitant entend transformer le site en éco-plateforme industrielle de production d’énergies renouvelables et vertes, combinant biomasse, éolien, photovoltaïque et hydrogène.
Avec la conversion en biomasse de ses deux dernières centrales thermiques à charbon, la France serait « parmi les premiers d’Europe à sortir du charbon » comme l’affirme le Président Emmanuel Macron.
Les associations environnementales restent prudentes. L’utilisation de la biomasse comme alternative au charbon serait-elle une fausse bonne idée ? Si elle permet la réduction des émissions de carbone, la biomasse présente - comme toutes les solutions durables - des limites.
Entre les émissions de particules fines, la corrosion des équipements, la pollution des transports pour l’approvisionnement en pellets et le risque de déforestation, le bilan carbone et financier de la biomasse pourrait vite devenir défavorable.
Pour réussir sa transition énergétique, la France doit rester vigilante sur la provenance des déchets organiques, surveiller la gestion des forêts et préserver l’équilibre entre production et consommation des matières organiques.
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à consulter notre article sur les puits de carbone naturels.