Précarité énergétique : des politiques publiques précaires ?
12 millions de personnes vivent en situation de précarité énergétique en France. Logés dans des "passoires thermiques" aux consommations énergétiques élevées, les ménages les plus modestes subissent de plein fouet la flambée des prix de l’énergie. Les conséquences sont lourdes en matière de santé, de vie sociale, de pouvoir d’achat et d’environnement. Le 12 novembre 2024, la journée de lutte contre la précarité énergétique a rappelé ces tristes constats pour « rendre visible cette injustice sociale, sanitaire et environnementale ».
Quel est l’état des lieux de la précarité énergétique en France ? Quelles actions sont déployées pour lutter contre ce phénomène grandissant ? Que penser des dernières annonces sur le DPE ? Décryptage de l’actualité.
Précarité énergétique : un enjeu social et environnemental
Définie légalement en 2010, la précarité énergétique n’est pas un phénomène isolé. Touchant près d’un Français sur cinq, son impact est fort à l’échelle individuelle et collective.
Qu’est-ce que la précarité énergétique ?
La précarité énergétique est définie par la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010. Au titre de la loi, « est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».
Concrètement, les pouvoirs publics estiment que les foyers sont en situation de précarité énergétique quand les dépenses d’énergie liées au logement sont supérieures à 8 % de leurs revenus (taux d’effort énergétique).
Les ménages les plus modestes sont les plus touchés, enfermés dans un cercle vicieux. En raison de leurs faibles revenus, ils vivent souvent dans un logement mal isolé. La consommation d’énergie élevée aggrave les difficultés financières, les contraignant à restreindre le chauffage et à souffrir du froid.
Une hausse de la précarité énergétique
En 2024, les voyants de la précarité énergétique en France sont à l’orange. Selon l’état des lieux publié par l’Observatoire National de la Précarité Énergétique (ONPE), 5,6 millions de ménages vivent en situation de précarité énergétique. 26 % des Français déclarent avoir souffert du froid dans leur logement, contre 14 % en 2020. Et 79 % ont restreint le chauffage pour réaliser des économies sur les factures d’électricité et de gaz, soit une hausse de 10 points en un an.
Pour 10,8 % des Français, les factures énergétiques du logement représentent plus de 8 % de leurs revenus.
Pourquoi la précarité énergétique est-elle un enjeu crucial ?
La précarité énergétique est d’abord un problème de santé publique. Chaque année, plus de 10 000 décès seraient dus à l’insalubrité énergétique de l’habitat. Le froid, l’humidité et les moisissures sont la cause de maladies chroniques comme la bronchite, l’asthme, les allergies, l’arthrose ou la dépression. La suppression des "passoires thermiques" pourrait faire économiser 700 millions d’euros annuels au système de soin.
L’impact est aussi économique et social. Étranglées par les factures d’énergie, les ménages se heurtent à des dilemmes douloureux, comme l’illustre une phrase choc de la journée contre la précarité énergétique : « Se chauffer ou se nourrir, il faut parfois choisir... ». En 2023, pour la première fois, plus d’un million de ménages ont subi des coupures ou des réductions de puissance pour impayés de leurs factures d’électricité et de gaz.
La précarité énergétique est enfin un fléau environnemental. Selon le réseau Cler, la rénovation des logements les plus énergivores permettrait d’éviter l’émission de 6 millions de tonnes de CO2 par an.
La rénovation énergétique, la clé pour lutter contre la précarité énergétique
Les "passoires thermiques" sont accusées d’être les principales responsables de la précarité énergétique. La France compte encore 4,8 millions de résidences principales très énergivores. Leur rénovation est une priorité pour améliorer la qualité de vie, maîtriser les factures d’énergie et réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Qu’est-ce qu’une "passoire thermique" ?
Une "passoire thermique" désigne un habitat dont la mauvaise isolation entraîne des déperditions de chaleur. Le logement consomme beaucoup d’énergie pour une performance énergétique faible.
Les "passoires thermiques" se reconnaissent par leur classe énergétique. Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) classe les logements en sept catégories, de A à G, en fonction des consommations en énergie primaire et des émissions de CO2. Les étiquettes E, F et G désignent les logements les plus énergivores.
L’importance de la rénovation énergétique pour lutter contre la précarité énergétique
La rénovation énergétique des logements est l’action la plus efficace pour lutter contre la précarité énergétique.
L’ADEME identifie 6 postes à traiter en priorité. Dans l’ordre de performance, l’installation d’une ventilation et l’isolation de la toiture permettent chacune d’éviter 25 à 30 % des déperditions de chaleur. Vient ensuite l’isolation des murs, à l’origine de 20 à 25 % des déperditions, puis le remplacement des fenêtres, l’isolation du sol et des planchers et le traitement des ponts thermiques.
Depuis 2022, la Stratégie Nationale Bas Carbone vise un objectif de 370 000 rénovations globales par an. Mais si plus de 500 000 dossiers de subventions sont traités chaque année, la majorité concerne des travaux isolés. Selon l’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE), en 2023 seuls 14 % des travaux subventionnés correspondaient à des rénovations globales.
L’assouplissement annoncé du DPE, un frein à la rénovation énergétique ?
La loi Climat et Résilience d’août 2021 interdit progressivement la location des passoires thermiques. L’objectif ? Contraindre les propriétaires à rénover les biens en location.
Depuis le 1er janvier 2023, 90 000 logements sont concernés. Leur consommation annuelle d’énergie finale dépasse 450 kWh par m² de surface habitable. L’interdiction doit s’étendre à tous les logements classés G en 2025, à ceux classés F en 2028 et à ceux classés E en 2034.
Mais ce calendrier pourrait être assoupli, comme annoncé début octobre par le Premier Ministre Michel Barnier. Si cet assouplissement desserrerait l’étau sur les propriétaires, les associations de lutte contre la précarité énergétique s’inquiètent.
Un décalage du calendrier ralentirait le rythme de la rénovation énergétique et aggraverait encore la précarité énergétique des locataires les plus modestes. Le risque : continuer à voir se creuser la fracture énergétique et sociale.
Quelles autres actions pour lutter contre la précarité énergétique ?
« La politique énergétique garantit la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous les ménages à l’énergie sans coût excessif au regard de leurs ressources ». L’article 1 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) a instauré en 2015 un droit à l’énergie. De nombreuses aides sont mises en place pour le garantir et lutter contre la précarité énergétique.
Les aides au paiement des factures d’énergie
Le chèque énergie est la principale aide de l’État pour payer les factures d’électricité et de gaz. Il peut aussi être utilisé pour acheter des combustibles (fioul, bois…), financer des travaux de rénovation énergétique ou payer les frais de chauffage dans les logements-foyers. En 2023, 5,6 millions de ménages ont reçu un chèque énergie. Il est envoyé automatiquement chaque année aux foyers éligibles, en fonction de leurs revenus.
Les locataires et propriétaires en difficultés financières peuvent aussi solliciter le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) pour régler leurs factures d’énergie. Cette aide est cumulable avec les aides des autres acteurs sociaux comme les CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), la CAF, la MSA, les caisses de retraite ou encore Action Logement.
Les aides à la rénovation énergétique
MaPrimeRénov’ soutient la rénovation énergétique des logements. Gérée par l’ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat), cette subvention aide les propriétaires à financer une rénovation globale ou partielle de leur logement (remplacement d’un système de chauffage, isolation de la toiture...) Ma Prime Logement Décent s’adresse aux propriétaires dont le logement est jugé particulièrement indigne ou dégradé. Le montant des aides varie en fonction des revenus du ménage.
Exclus de MaPrimeRénov’, les locataires peuvent accéder aux Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) pour réaliser des travaux d’économies d’énergie dans leur location. Ces aides sont accordées par les fournisseurs d’énergie. Leur montant et leur forme (prime, bon d’achat, service gratuit, réduction…) dépendent du fournisseur.
Les primes « coup de pouce » complètent ces dispositifs de subventions. Elles financent des travaux spécifiques, notamment le remplacement d’une chaudière à fioul ou au gaz par un équipement utilisant les énergies renouvelables (pompe à chaleur, chaudière biomasse, raccordement à un réseau de chaleur…).
Localement, certaines régions, départements, intercommunalités ou communes accordent aussi des subventions, comme l’exonération de la taxe foncière ou le Fonds Air Bois.
Déployé dans toute la France, le service public national France Rénov’ accompagne les projets de rénovation énergétique et recense toutes les aides disponibles.
Une politique d’aides critiquable ?
Bien que dynamique, la politique nationale d’aides souffre de deux critiques majeures.
Ponctuelles, les aides au paiement des factures d’énergie ne traitent pas la source du problème de la précarité énergétique. Face à la hausse des prix de l’électricité et du gaz, le montant du chèque énergie reste aussi trop faible pour soulager les ménages en difficultés.
Quant aux aides à la rénovation, la majorité n’est pas accessible aux locataires. Seule solution pour eux : profiter du renouvellement du bail pour demander au propriétaire la réalisation d’un DPE. Si le diagnostic conclue à l’indécence du logement, le locataire peut engager une procédure judiciaire pour exiger des travaux de rénovation énergétique ou des dommages et intérêts.
La précarité énergétique révèle la fracture sociale en France, touchant les ménages les plus modestes et les plus mal logés. Lutter contre cette précarité énergétique exige une politique ambitieuse de rénovation des logements, rejoignant les objectifs de la transition énergétique et environnementale. C’est la condition sine qua non pour ne pas creuser les disparités actuelles. Elle nécessite l’engagement de l’ensemble des acteurs publics et privés pour une transition juste, respectant les ambitions de neutralité carbone de la France d'ici 2050.
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L'intérêt : Allèger ses charges, participer activement à la réduction de la précarité énergétique en soutenant une demande d’énergie plus équilibrée, se positionner en tant qu’acteur responsable de la transition énergétique.
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