Nous avons évoqué dans un précédent article la nature et les changements que peuvent apporter les Smart-Grids (réseaux électriques intelligents). Nous allons voir aujourd'hui de quelle manière le Smart-Grid va être à la croisée de toutes les évolutions du monde de l'énergie. Nous allons tenter de vous décrire quels seront les usages et les moyens de production qui vont se développer dans un avenir proche.
Une fois n'est pas coutume, il s'agit d'un article prospectif qui vise à imaginer le monde de l'énergie de demain. En effet, nous sommes à l'aube d'une transition qui va bouleverser nos habitudes de consommation. Il sera donc essentiel de s'adapter et d'explorer en amont les scénarios possibles.
Il existe aujourd'hui de nombreuses technologies qui ont fait leurs preuves. Il y en a certaines qui sont déjà massivement utilisées dans le monde et continuent de croître comme les panneaux photovoltaïques ou l'éolien. D'autres sont encore au stade expérimental mais nous promettent de belles choses en matière d'énergie. Nous présenterons donc les technologies des plus matures aux plus expérimentales.
Nous allons donc aborder diverses technologies comme les biogaz, la fusion nucléaire ou encore la blockchain et tenter d'imaginer leurs usages à venir et l'interdépendance entre ces technologies.
Les énergies renouvelables et le futur mix énergétique français
Une hausse structurelle des énergies renouvelables
Nos modes de production d’électricité influent fortement sur notre façon d'en consommer. En effet, par exemple, une abondance d’électricité à un prix peu cher peut entraîner une surconsommation ou de mauvaises habitudes. A contrario, une énergie chère peut pousser les différentes entreprises et institutions à aller vers plus d’efficacité énergétique. La transition énergétique nous pousse à faire une place aux énergies renouvelables pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
L'intermittence de ces modes de production pose question et nous pousse à chercher des moyens de flexibilité toujours plus efficaces. Cependant, il s'agit d'une lame de fond de notre société à laquelle il faudra trouver des solutions.
Il faut donc se pencher sur les scénarios probables de modes de production pour imaginer nos futurs usages.
Si l'on regarde le scénario M0 100% renouvelable édité par RTE, on voit donc des projections à plus de 373 TWh pour l'énergie éolienne (dont 224 TWh pour les éoliennes en mer) et 255 TWh pour le solaire.
Il est vrai que ce scénario reste peu probable et difficile à mettre en œuvre, cependant il est évident qu'il faut prendre en compte ces technologies dans nos futurs usages de consommation.
L'évolution des panneaux solaires et du photovoltaïque
Cette technologie est largement connue et démocratisée. La réduction des coûts de construction et d'équipement a largement contribué à son développement. Les panneaux photovoltaïques construits en Asie (principalement en Chine) ont inondé les marchés mondiaux.
Le solaire a connu une hausse très importante de développement, supérieure chaque année aux autres filières de production. Il a d'ailleurs atteint 58% d'augmentation en une année en termes de capacité de production.
Le coût de production marginal (le coût de production pour un kWh supplémentaire) est presque nul. Enfin le succès de cette énergie est en partie dû à ses avantages en milieu urbain. Les nombreuses toitures et bâtiments permettent l'installation de panneaux et leurs entretiens peuvent être mutualisés. Comme nous le verrons, l'autoconsommation pourra se développer à un niveau suffisant grâce à cette technologie.
L'énergie éolienne
La France dispose du quatrième plus gros parc européen d'éoliennes terrestres en Europe. C'est une technologie mature qui dispose de nombreux avantages.
Il existe plus de 8000 éoliennes installées sur le territoire. Pour une capacité totale installée de près de 18 GW. Malheureusement elles disposent également de ses détracteurs car les éoliennes peuvent également provoquer des nuisances sonores et visuelles.
C'est alors que les éoliennes en mer (offshore) entrent en jeu. C'est une façon de profiter de vents marins importants puis de délocaliser les problèmes cités précédemment. Le premier parc français au large de Saint-Nazaire entrera en fonctionnement en 2022. L'objectif est d'atteindre un rythme de 1 GW de production installé supplémentaire par an.
Pour aller plus loin, n'hésitez pas à consulter notre article sur l'énergie éolienne.
Les nouveaux usages et modes de production à venir
Le Vehicle-to-grid (V2G)
Le concept de Vehicle-to-Grid consiste à considérer le propriétaire de véhicule électrique non plus comme un simple consommateur mais comme un acteur du système.
L'idée est d'utiliser toutes les batteries branchées au réseau de distribution simultanément pour qu'elles puissent fonctionner dans les deux sens. C'est-à-dire d'une part stocker de l'énergie pour l'utilisation future du véhicule mais également d'injecter de l'énergie sur le réseau si le besoin se fait sentir. Elles peuvent notamment être utilisées afin de gérer les pics de consommation.
On peut imaginer qu'avec une augmentation constante des véhicules électriques, les batteries branchées au réseau pourraient représenter une puissance colossale. Cette puissance pourrait être utilisée dans les cas suivants :
- En cas de chute ou de hausse de la fréquence, les batteries peuvent injecter ou consommer afin d'équilibrer le réseau ;
- Mais il est également possible d'imaginer que ces batteries puissent stocker l'énergie produite au mauvais moment (l'intermittence des ENR).
On peut voir qu'aujourd'hui en Australie, un système de batterie apporte des services aux réseaux. Il faut cependant ne pas oublier qu'il faut un certain nombre de technologies pour rendre ce projet viable. Il faut pouvoir détecter les moments où l'énergie renouvelable est produite en excès par exemple.
L'autoconsommation
Le réseau électrique a été construit de manière centralisée. Pour dépasser les limites de notre système il faut engager la transition vers un système plus décentralisé. C'est l'autoconsommation qui pourra permettre cette transition.
Le fait que le client soit capable de produire son énergie et de la partager change la donne. Cette révolution permet au consommateur de devenir producteur et ainsi participer à la sécurité d'approvisionnement. Il permet de réduire la dépendance des clients au réseau et au système en général. Il permet également de créer des synergies entre les clients.
L'autoconsommation est donc une des clés de voûte de ce nouveau système.
Des évolutions à venir dans la gestion des déchets et les biogaz ?
Ces sujets sont souvent mis au second plan lorsque l'on essaye de réfléchir au monde de l'énergie de demain. Cependant, ils pourraient aider à lutter contre le réchauffement climatique tout en donnant vie à la Smart-City.
En effet, ce concept de ville "intelligente" ne peut prendre son sens que si la question des déchets est prise en compte. La population mondiale augmente sans cesse et cette question devient primordiale. Il existe cependant plusieurs solutions :
- Le transport en souterrain des déchets ;
- Des poubelles connectées afin de déterminer la nature des déchets puis les recycler correctement de manière automatique ;
- Enfin la transformation de ces déchets en énergie grâce à la méthanisation.
C'est cette dernière solution qui nous intéresse particulièrement. Le procédé de méthanisation permet en effet de transformer des déchets ménagers en gaz. Ce dernier est obtenu par fermentation des déchets qui libère du gaz, la source d'énergie étant renouvelable (car il s'agit des déchets) on l'appelle ainsi biogaz.
Il s'agit d'une énergie non polluante et d'avenir. Il existe cependant un bémol, aujourd'hui ce système énergétique est plus efficace en milieu rural. Espérons qu'à l'avenir les progrès technologiques puissent nous permettre de le démocratiser en milieu urbain et aux particuliers.
Concrètement, à quoi va ressembler le monde de l'énergie de demain ?
Nous pouvons donc tenter d'imaginer notre futur énergétique à partir de ces éléments. Comme expliqué, nos usages dépendent en partie de nos modes de production.
Nouvelles technologies de production d'énergie à un niveau national
L'autoconsommation, la production de biogaz et d'hydrogène vont évoluer dans la décennie à venir. On peut imaginer que la proportion de foyers de Français équipés de panneaux photovoltaïque va exploser. Ces trois moyens de production vont largement contribuer à la réduction de nos émissions de CO2.
L’hydrogène est une piste intéressante. Toutefois aujourd’hui il existe encore de nombreux obstacles à franchir pour démocratiser son utilisation.
Fort à parier que les technologies nucléaires vont également progresser pour aller vers un modèle de réacteur plus petit (les SMR). De nombreux gouvernements (France et Belgique, USA…) ont annoncé des investissements massifs dans ce mode de production.
Il est certain que les énergies renouvelables vont continuer de progresser de manière importante. Cependant, le nucléaire est historique en France, il est fort probable que ces deux moyens de production cohabitent pendant des décennies en France dans un objectif de développement durable.
Blockchain, Smart-Grid et enfin Smart-City à un niveau plus local
On peut (oser) imaginer que dans le monde de demain, l'ensemble des consommateurs à un niveau local seront en interaction grâce aux Smart-Grid. Ils pourront ainsi échanger de l'énergie en temps réel et également surveiller leur consommation/production grâce à des technologies informatiques toujours plus puissantes. Les compteurs intelligents sont également importants dans ce dispositif.
Il existe actuellement un exemple qui met en œuvre ces concepts. L’initiative Transactive Grid permet à ses utilisateurs de produire de l’énergie et d’en consommer à un niveau local. Le système étant soutenu par une blockchain Ethereum qui garantit la sécurité et la traçabilité de toutes les transactions. N’hésitez pas à lire notre article sur la Blockchain pour en savoir plus.
Nous verrons également apparaître de plus en plus de lignes de bus alimentés en biocarburant. Il n’est pas certain de voir se développer la biomasse en milieu urbain rapidement cependant en milieu rural elle reste une option d’avenir.
Finalement, ces concepts (déjà à l'œuvre pour la plupart) combinent technologies du numérique et énergie. Au niveau de la ville, la gestion des déchets pourra être améliorée afin de la rendre efficace (galeries souterraines, poubelles connectées) et productrice d'énergie.
La production d'hydrogène peut également avoir un rôle à jouer, néanmoins il faut un véritable tissu industriel dense afin de développer cette activité. L’éolien en mer, le nucléaire et le solaire vont continuer à se développer pour fournir toujours plus d'électricité bas carbone. On peut le dire, le concept de Smart-Grid est synonyme de troisième Révolution Industrielle.