Le terminal méthanier : Principe et fonctionnement
Depuis l’offensive de la Russie en Ukraine, la France mise sur le GNL (gaz naturel liquéfié) pour s’émanciper du gaz naturel russe.
Elle n’est pas le seul pays européen à oser ce pari. Le volume des importations européennes de GNL a bondi de 60 % en 2022 avant de se stabiliser en 2023.
Cet attrait pour le GNL se double d’un regain d’intérêt pour les terminaux méthaniers flottants et permanents. Les projets de construction se multiplient en Europe.
Mais quel est le lien entre GNL et terminal méthanier ? Qu’est-ce qu’un port méthanier ? Comment fonctionne cette infrastructure portuaire destinée à réceptionner, stocker et transformer le GNL ? Quels pays fournissent le GNL en France en 2024 ? Visite guidée.
Qu’est-ce qu’un terminal méthanier ?
Le terminal méthanier est une infrastructure portuaire destinée à accueillir les bateaux spécialisés dans le transport maritime du gaz naturel liquéfié (GNL). Loin d’être de simples ports, les terminaux méthaniers sont équipés pour réceptionner le GNL et le transformer en toute sécurité en gaz naturel consommable.
C’est quoi le GNL ?
Le GNL (gaz naturel liquéfié) est du gaz naturel passé de l’état gazeux à l’état liquide.
Pour se transformer en GNL, le gaz naturel subit plusieurs traitements au sein d’une unité de liquéfaction. Épuré et déshydraté, il est progressivement comprimé, refroidi puis détendu.
Le gaz naturel se liquéfie quand il atteint une température avoisinant les -160°C à pression atmosphérique. Le GNL obtenu est stocké dans des réservoirs cryogéniques pour le maintenir à l’état liquide.
Le GNL peut être exploité sous sa forme liquide, principalement comme carburant maritime et alternative aux énergies fossiles. Mais le plus souvent, il est retransformé sous forme gazeuse pour être consommé par le client final. Cette reconversion s’effectue dans les terminaux méthaniers.
Pourquoi le GNL séduit les pays européens ?
Sous forme liquide, le gaz naturel occupe moins de place que sous forme gazeuse. Transformer le gaz naturel en GNL permet de diviser par 600 le volume de stockage nécessaire pour une même quantité d’énergie !
Cette particularité physique facilite le stockage et le transport du gaz sur de très longue distance. Là où le gaz naturel doit être acheminé par gazoducs terrestres, le gaz naturel liquéfié est transporté par bateau, dans des cuves cryogéniques isolées.
Depuis le conflit en Ukraine, les pays européens se sont saisis de cette flexibilité géographique pour sécuriser leur approvisionnement énergétique en gaz. Remplacer le gaz naturel par le GNL permet de diversifier les sources d’approvisionnement en énergie en faisant appel à des pays producteurs de gaz naturel plus éloignés.
Ainsi, plus de 700 méthaniers sillonnent aujourd’hui les mers et les océans pour livrer le gaz naturel liquéfié à travers le monde. Véritable géant des mers, le navire de type Q-Max peut transporter dans ses cuves jusqu’à 267 000 m³ de GNL, soit dix fois la consommation résidentielle annuelle de la métropole de Nantes.
Quel est le lien entre terminal méthanier et GNL ?
Le GNL ne serait pas exploitable sans terminal méthanier. Infrastructure portuaire dédiée à l’accueil des navires méthaniers, le port méthanier joue un double rôle. Le port méthanier assure :
• La réception et le stockage du GNL importé.
• La regazéification du GNL pour l’injecter à l’état gazeux dans le réseau de transport de gaz et l’acheminer vers les consommateurs finaux.
Le terminal méthanier sert aussi au transbordement du GNL d’un navire à un autre, pour diviser une cargaison et l’acheminer vers des ports différents.
Comment fonctionne un terminal méthanier ?
Pour réceptionner, stocker et regazéifier le GNL, le terminal méthanier est équipé d’infrastructures en chaîne adaptées et hautement sécurisées. Le gaz naturel liquéfié suit plusieurs étapes avant d’être injecté dans le réseau de transport de gaz.
La réception et le stockage temporaire du GNL
Une fois amarré au quai de réception du port méthanier, le navire méthanier est vidé de sa cargaison de GNL grâce aux bras de déchargement.
Via des canalisations supportant une température très basse, le GNL est acheminé du méthanier vers des réservoirs cryogéniques où il est stocké temporairement à environ -160 °C.
Le GNL liquéfié est regazéifié à la demande, en fonction des besoins de consommation en gaz. Une petite quantité peut être chargée sur des camions-citernes pour être transportée et consommée sous forme liquide.
La regazéification du GNL en gaz naturel
Quand la demande de gaz augmente, le GNL est acheminé des réservoirs vers les unités de regazéification. Il subit une élévation progressive de sa température sous haute pression pour passer de l’état liquide à l’état gazeux.
Plusieurs techniques existent pour réchauffer le GNL. En France, les ports méthaniers utilisent la technique à ruissellement d’eau. Ils exploitent soit l’eau de mer, soit l’eau chaude générée par un site industriel voisin ou une centrale nucléaire à proximité.
Le comptage et l’odorisation
Inodore et incolore, le gaz naturel obtenu par regazéification du GNL est odorisé pour permettre la détection des fuites.
La quantité de gaz naturel produite est également comptée. Cela permet d’injecter sur le réseau de transport le volume de gaz correspondant aux besoins de consommation en temps réel.
L’injection dans le réseau de transport de gaz
Mis à la pression adaptée, le gaz naturel est enfin injecté dans le réseau de gaz auquel le terminal méthanier est relié. Il est acheminé vers les clients finaux via le réseau de transport exploité par GRTgaz et Terega, puis le réseau de distribution exploité par GRDF.
Les terminaux méthaniers en France
La France compte en 2024 cinq terminaux méthaniers, dont quatre permanents et un flottant.
Terminal méthanier de Fos-Tonkin
Construit en 1972, Fos-Tonkin est le plus ancien terminal méthanier de France. Il peut stocker jusqu’à 80 000 m³ de gaz et regazéifier 1,5 milliard de m³ de GNL par an.
Ce site propose notamment le rechargement de micro-méthaniers en soutien au développement de la filière GNL comme carburant maritime.
Terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne
Le terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne est situé sur la côte atlantique près de Saint-Nazaire. Créé en 1980, c’est l’un des plus importants ports méthaniers en Europe, avec une capacité de stockage de 360 000 m³ de GNL. Sa capacité annuelle de regazéification de 10 milliards de m³ équivaut à 20 % de la consommation annuelle de gaz en France.
De par sa superficie, il peut accueillir les plus grands bateaux méthaniers du monde, notamment le Q-Max et les méthaniers brise-glace.
Terminal méthanier de Fos-Cavaou
Mis en service en 2010, le terminal méthanier de Fos-Cavaou est venu compléter l’offre de service sur le littoral méditerranéen, à proximité du site de Fos-Tonkin.
Le port méthanier de Fos-Cavaou permet d’augmenter de 330 000 m³ la capacité de stockage GNL de la zone méditerranéenne et de 10 milliards de m³ par an sa capacité de regazéification.
Terminal méthanier de Dunkerque
Dans le Nord, le site portuaire de Loon-Plage situé à Dunkerque est le dernier né des terminaux méthaniers en France.
Mis en service en 2017, c’est le deuxième terminal méthanier d’Europe continentale. Il peut stocker 600 000 m³ de gaz et regazéifier chaque année 13 milliards de m³ de GNL. 176 méthaniers peuvent y accoster chaque année. En 2023, le terminal de Dunkerque a injecté 123 TWh de gaz naturel dans le réseau de transport.
Terminal méthanier flottant du Havre
Depuis le 26 octobre 2023, TotalEnergies a mis en service son projet de nouveau terminal méthanier dans le port du Havre. Sa particularité ? Le navire Cape Ann est un terminal méthanier flottant, équipé pour transporter le gaz naturel liquéfié mais aussi pour le stocker et le regazéifier.
Autorisée pour cinq ans, cette unité flottante de stockage et regazéification (SFRU) peut regazéifier chaque année jusqu’à 5 milliards de mètres cubes de GNL, soit environ 10 % de la consommation française.
Quels pays fournissent le GNL en France en 2024 ?
En 2022, selon l’IEEFA et Eurostat (1), la France a importé du GNL pour un montant total record de 32 milliards d’euros. Ses importations ont augmenté de 100,6 % entre 2021 et 2022, faisant de l’Hexagone le quatrième pays importateur de GNL dans le monde.
Notre pays se place derrière le Japon, la Chine et la Corée du Sud où le GNL est considéré comme une source d’énergie propre, comparée au charbon.
Avec 16 milliards d’euros de commande, les États-Unis sont devenus le principal fournisseur de GNL de la France. Avec 5,4 milliards d’euros de commande, la Russie occupe encore la deuxième place malgré la volonté de la France de réduire sa dépendance au gaz naturel russe. Le Qatar, l’Algérie, l’Angola et la Norvège suivent.
Pour diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie, la France a signé en octobre 2023 des contrats GNL avec le Qatar, via TotalEnergies. À partir de 2026, le Qatar s’engage à livrer chaque année à la France jusqu’à 3,5 millions de tonnes de GNL, et ce pendant 27 ans.
Les terminaux méthaniers sont une infrastructure portuaire indispensable pour développer le GNL dans le monde. Ils n’en restent pas moins controversés.
Encouragée par le conflit en Ukraine, la construction de nouveaux terminaux méthaniers flottants ou permanents interroge aujourd’hui, à l’heure où la consommation de gaz baisse en Europe et où les États s’engagent pour la neutralité carbone en 2050. C’est tout le paradoxe soulevé par les médias et les associations, que les prochaines années devront confirmer ou infirmer.
(1) IEEFA : Institute for Energy Economics and Financial Analysis / Eurostat : direction générale de la Commission européenne en charge des statistiques européennes